La deuxième aventure cinématographique d'une super-vilaine mégalomane imaginée par Sax Rohmer
SUMURU, REGINA DU FEMINA / THE GIRL FROM RIO
1969 – ESPAGNE / ALLEMAGNE
Réalisé par Jess Franco
Avec Shirley Eaton, Richard Wyler, Maria Rohm, George Sanders, Herbert Fleischmann, Marta Reves, Elisa Montes, Walter Rilla
Produit par Harry Allan Towers, pour qui Jess Franco avait déjà réalisé de nombreux films (Les Inassouvies, Les Nuits de Dracula, Blood of Fu Manchu), Sumuru la Cité sans Hommes est la suite de Million Eyes of Sumuru, adaptation très libre des aventures d’une super-vilaine mégalomane inventée par Sax Rohmer (l’écrivain qui créa Fu Manchu). Le premier film, réalisé par Lindsay Shonteff, cherchait maladroitement à mixer l’espionnage, la science-fiction et l’érotisme sans parvenir à maintenir l’intérêt du spectateur malgré une poignée de séquences audacieuses en début de métrage.
Cette séquelle n’élève pas vraiment le niveau, mais elle a le mérite de nous transporter aux confins d’une étrangeté quasiment surréaliste. Car Jess Franco est un esthète, et ses effets de style insolites dotent Sumuru, la Cité sans Hommes d’une personnalité bien à part. Le scénario écrit par Harry Allan Towers (sous le pseudonyme de Peter Wellbeck) prend pour héros Jeff Sutton (Richard Wyler), un détective chargé de retrouver une jeune femme portée disparue à Rio. Avec en main dix millions de dollars, il atterrit au milieu d’une guerre ouverte entre Sir Matthews (George Sanders, héros vieillissant du Village des Damnés), un mafieux maniéré qui ne supporte pas la vue du sang et s’esclaffe en lisant les BD de Popeye, et Sumuru (Shirley Eaton, la fameuse victime dorée de Goldfinger). Cette dernière règne sur un bataillon de jolies filles armées jusqu’aux dents au sein de Femina, une cité futuris@te à l’abri des regards indiscrets, avant-poste d’un monde nouveau qu’elle espère diriger d’une poigne de fer et que les femmes domineront.
L'influence de James Bond
Jess Franco étant un polisson patenté, il profite de ce postulat pour décliner les séquences fétichistes, saphiques et sado-masochistes, l’érotisme demeurant ici relativement sage dans la mesure où le public visé semble large. Par moments, l’intrigue improbable de Sumuru, la Cité sans Hommes prend les allures d’une métaphore satirique de la vie de couple, la dictatrice affirmant que sa société féminine nécessite la présence des hommes, pour pouvoir leur soutirer de l’argent et profiter de leur force musculaire afin de bâtir les murs de la cité. Un machisme latent caractérise par ailleurs le comportement de Jeff Sutton, qui séduit les filles sans se soucier de leur prénom, s’étonne en découvrant qu’elles savent lire, mais ne montre aucun signe de surprise en apprenant qu’elles appartiennent à l’armée de la super-criminelle. Doit-on en conclure que le film est misogyne ? Sans doute faut-il plutôt attribuer ces digressions à des clichés mal digérés, respectivement hérités du personnage d’Antinea créé par d’Henry Rider Haggard (dont Sumuru constitue ici une espèce de variante pop) et de celui de James Bond (dont la phallocratie n’est plus à prouver). Le climax de Sumuru, la Cité dans Hommes s’inspire d’ailleurs de celui de la plupart des aventures cinématographiques de l’agent 007, avec bataille finale et destruction explosive du repaire des méchants… si ce n’est que le budget permet tout juste de faire trembler la caméra, tandis que les acteurs courent en tous sens au milieu de volutes de fumigènes ! Un drôle de film, en vérité…
© Gilles Penso
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