SUCKER PUNCH (2011)

Zack Snyder nous offre une œuvre atypique, onirique et envoûtante qui rend hommage à toutes les facettes du cinéma fantastique et de science-fiction

SUCKER PUNCH

2011 – USA

Réalisé par Zack Snyder

Avec Emily Browning, Abbie Cornish, Jena Malone, Vanessa Hudgens, Jamie Chung, Oscar Isaac, Carla Gugino, Scott Glenn

THEMA RÊVES I ZOMBIES I HEROIC FANTASY I DRAGONS I ROBOTS

Zack Snyder n’a peur de rien, pas même de mettre sa carrière en danger via un projet échappant à toutes les normes établies à Hollywood. L’Armée des morts, 300 et Watchmen étaient déjà des paris risqués, mais Sucker Punch les bat à plate couture dans ce domaine, tant le concept même s’avère casse-gueule. Au lieu de s’appuyer sur un film l’ayant précédé ou sur un roman graphique, Zack Snyder ne se repose ici que sur sa propre imagination et s’intéresse à une jeune fille internée de force dans un hôpital psychiatrique par un beau-père abusif. L’intrigue se situe quelques décennies en arrière, à l’époque où le traitement des malades mentaux se soldait par des méthodes radicales telles que la lobotomie. Et c’est le sort qui attend inéluctablement notre triste protagoniste. Pour échapper à cette réalité atroce, elle s’évade dans un monde parallèle qui n’est que le reflet déformé de son environnement. L’hôpital se transforme alors en un établissement étrange à mi-chemin entre le club de danse et la maison close, les infirmiers se muent en proxénètes mafieux et la psychiatre en chef devient une mère maquerelle / professeur de danse. Dans cet univers onirique, la jeune fille se fait appeler Babydoll et prépare un plan d’évasion imparable. Là, un second niveau de réalité virtuelle vient s’imbriquer au premier et nous fait basculer dans le fantastique le plus débridé…

Si Sucker Punch s’avère difficile à résumer, c’est sans doute parce qu’il s’affranchit souvent du langage parlé au profit d’une grammaire purement cinématographique. La prodigieuse séquence d’ouverture en témoigne. Dénuée de dialogue, purement visuelle, elle nous ramène aux grandes heures d’un cinéma expressif qui savait faire parler les plans au lieu des acteurs, celui d’Alfred Hitchcock et d’Orson Welles. Mais Snyder brise volontairement cette cohérence narrative lorsque son héroïne danse pour détourner l’attention de ses oppresseurs. Là, Babydoll et ses compagnes d’infortune basculent dans d’autres mondes qui semblent empruntés à l’imaginaire d’un petit garçon des années 2000. La musique appuie l’effet anachronique, à travers des reprises de tubes des Beatles, d’Eurythmics, de Bryan Ferry, d’Iggy Pop ou de Queen.

Samouraïs, robots, trolls, zombies et dragons

Quant à l’imagerie sollicitée, elle puise tous azimuts dans le fantastique et la science-fiction les plus débridés : samouraïs colossaux, robot géant, zombies nazis, dragons cracheurs de feu, trolls enragés, armada d’androïdes s’animent ainsi sous nos yeux ébahis, au sein de titanesques séquences de bataille dont l’indéniable générosité est quelque peu gâchée par un traitement tout numérique et des chorégraphies excessives qui se réfèrent trop frontalement à l’univers des jeux vidéo. Là où Peter Jackson, avec Lovely Bones, s’efforçait de visualiser le parcours onirique d’une adolescente des années 70, Snyder fait fi de toute logique en plaquant ses propres fantasmes ludico-guerriers dans le cerveau de Babydoll. Le résultat est parfaitement déstabilisant, mais aussi extrêmement touchant. Car derrière les créatures imaginaires se dissimulent des monstres humains qui détruisent peu à peu la vie, la virginité et les rêves d’une jeune fille dont la seule échappatoire demeure l’imagination…

 

© Gilles Penso

Partagez cet article