La dégringolade artistique continue avec ce cinquième opus qui cache son incapacité à effrayer les spectateurs sous des tonnes de sang et de tripailles
On croyait avoir touché le fond avec Saw IV, épuisant jusqu’à l’auto-parodie involontaire tous les mécanismes mis en place par Leigh Whannell et James Wan dans le premier Saw. Or le pire était encore à venir. « Vous pensiez vraiment que c’était fini ? » peut-on lire sur le poster de Saw V. Non, on ne le pensait pas vraiment, mais on l’espérait, et dès la scène d’ouverture, on est tenté de tourner les talons et de quitter la salle de cinéma. On y assiste en effet à une version ultra-gore du « Puits et du Pendule » d’Edgar Poe, un homme se faisant couper en deux par une lame montée sur un balancier tandis que la bande son se sature de hurlements, d’effets sonores stridents et de musique tonitruante. Certes, les effets spéciaux sont bluffants et les nerfs mis à rude épreuve, mais à quoi bon ? En quoi le découpage ultra-réaliste du corps d’un homme constitue-t-il un spectacle intéressant pour un spectateur, fut-il amateur de films d’horreur ? Le cinéma de genre ne puise-t-il pas au contraire sa force dans son pouvoir suggestif et ses vertus cathartiques ? Rien de tel ici. D’ailleurs, dès qu’il s’agit de faire peur, Saw V s’avère parfaitement incompétent (voir la scène ridicule du chien qui aboie et de l’ascenseur en panne). De fait, l’escalade toujours plus extrême dans l’étalage de viande ne confère pas une once de plus-value à ce cinquième opus de bien triste facture. Promu réalisateur après avoir été chef décorateur puis assistant réalisateur sur les trois précédents épisodes, David Hackl se révèle bien peu inspiré.
Hystérique lors des scènes de torture (où il abuse de ralentis, d’accélérations, de flash blancs, de bruitages excessifs), il perd tous ses moyens pendant les séquences de dialogues, à peine dignes d’un téléfilm allemand des années 70 (photographie hideuse, cadrages dénués de sens, décors d’une grande pauvreté). Difficile, du coup, de nous intéresser à l’intrigue et aux personnages. D’autant que le scénario de Marcus Dunstan (Feast, Saw IV) ne sait pas trop où donner de la tête, puisant des idées dans chacun des Saw précédents tout en multipliant une fois de plus les flash-backs. Pour qui n’est pas familier avec les quatre premiers épisodes, le démarrage de celui-ci risque d’ailleurs d’être assez abscons, dans la mesure où il se réfère à bon nombre de péripéties survenues précédemment.
Jigsaw est mort ? Vive Jigsaw !
Le tueur au puzzle et son « assistante » Amanda ayant passé l’arme à gauche, un nouveau tueur a pris le relais en la personne de l’inspecteur Mark Hoffman (Costas Mandylor, tout à fait inexpressif). Un prétexte assez grotesque justifie ce passage de relais, faisant fi au passage de toutes les incohérences qui en sont corollaires (comment le policier en question est-il capable de concevoir lui aussi des pièges sophistiqués dignes d’un ingénieur en mécanique ?), et le jeu de massacre peut tranquillement continuer. Pendant ce temps, l’agent Strahm (Scott Patterson) mène l’enquête et devine tout avant tout le monde, énonçant à voix haute chacune de ses découvertes pour que les spectateurs ne perdent pas une miette de son raisonnement. Le film s’achève comme il a commencé, c’est-à-dire n’importe comment, et laisse hélas la porte grande ouverte à une nouvelle suite, dont le seul mérite sera probablement de favoriser les jeux de mots à base de charcuterie !
© Gilles Penso
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