Égalité des sexes oblige, voici la version féminine de King Kong, dans une parodie délirante qui faillit faire de l'ombre à Dino de Laurentiis…
QUEEN KONG
1976 – GB
Réalisé par Frank Agrama
Avec Robin Askwith, Rula Lenska, Valerie Leon, Roger Hammond, John Clive, Carol Drinkwater, Brian Godfrey, Anthony Morton
THEMA SINGES I DINOSAURES
Lorsqu’il se lança joyeusement dans une parodie de King Kong, le réalisateur d’origine égyptienne Frank Agrama se heurta à un obstacle de taille : le colossal remake produit par Dino de Laurentiis. Le producteur italien ayant misé des sommes faramineuses sur son blockbuster, il était pour lui hors de question qu’un pastiche à petit budget lui fasse de l’ombre. Prêt à en découdre à grands coups de procès et d’avocats, il eut raison d’Agrama. Queen Kong ne sortit donc pas sur les écrans et demeura à ce point confidentiel que beaucoup doutèrent de son existence. C’est d’autant plus dommage que nous avons affaire là à un film très réjouissant, qui compense ses maladresses et ses problèmes de rythme par une sincérité manifeste. Le principe même de Queen Kong consiste à reprendre fidèlement la trame du King Kong de 1933 en la transposant dans les années 70 et surtout en inversant le sexe de tous les personnages. Le cinéaste Carl Denham a donc été remplacé par la réalisatrice Luce Habit (Rula Lenska), qui se met cette fois-ci en quête d’un acteur blond pour son prochain film. Elle jette son dévolu sur Ray Fay (Robin Askwith), un grand benêt surpris en train de voler un poster de King Kong sur la place d’un marché public.
Les voilà donc embarqués à bord du navire « Liberated Lady », avec un équipage exclusivement féminin (qui pousse une chansonnette très inspirée des « musicals » des années 50), en direction de l’île de Mazanga, au cœur de l’Afrique. Là, ils tombent sur une cérémonie indigène vouée à la déesse Queen Kong. L’autel sacrificiel a ici été remplacé par une chaise et une table géantes, où trône un gros gâteau fort appétissant. Ray Fay finit inévitablement dans la main de la titanesque guenon (un acteur costumé avec une coupe de cheveux façon choucroute et une volumineuse poitrine !). Tandis que les filles partent à la rescousse de Ray, croisant au passage des fleurs géantes carnivores qui pincent les fesses, Queen Kong affronte un tyrannosaure en caoutchouc (Ray le compare à Jimmy Carter à cause de ses dents) qu’elle vainc en lui assénant un coup de pied dans les parties, puis un ptérodactyle aux allures de Rodan.
L'émancipation de la guenon !
Les trucages à base de costumes évasifs, d’incrustations, de maquettes et de caches, ne sont pas beaucoup moins convaincants que ceux du King Kong de De Laurentiis, et les dialogues de Ray Fay valent bien ceux de Jessica Lange. Ramenée à Londres, la guenon géante est exhibée au cours d’un spectacle qui évoque bien plus Woodstock que Broadway, seventies obligent. Mine de rien, Queen Kong annonce quelque peu les délires des ZAZ avec quelques gags qu’on croirait issus de Y’a-t-il un Pilote dans l’Avion ? ou Top Secret !, notamment la pub pour Konga Kola, la scène de panique dans le village où chacun s’enfuit avec un objet absurde (arrêt de bus, téléphone, lunette de WC) ou encore la parodie d’Airport avec une none chantante et un curé nerveux. Au détour de son intrigue absurde, le film pastiche aussi les grands succès du moment (L’Exorciste, Les Dents de la mer) jusqu’à un final apocalyptique au sommet de Big Ben où Ray clame l’innocence de Queen Kong, gigantesque symbole à ses yeux de l’émancipation de la femme !
© Gilles Penso
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