Le marionnettiste André Toulon a trouvé le secret pour donner vie à ses poupées et les transformer en instruments de vengeance
PUPPET MASTER
1989 – USA
Réalisé par David Schmoeller
Avec Paul Le Mat, Williiam Hickey, Irene Miracle, Jimmie F. Skaggs, Robin Frates, Matt Roe, Kathryn O’Reilly
THEMA JOUETS I SAGA PUPPET MASTER I CHARLES BAND
En octobre 1988, Charles Band est obligé de renoncer à son ambitieuse compagnie Empire (à qui nous devons Re-Animator, From Beyond, Dolls et tant d’autres joyeusetés filmiques) qui, faute de rendement, dépose le bilan. Mais il en faut plus pour démonter un entrepreneur de cette trempe. En quelques mois à peine, il met sur pied une autre société, Full Moon Entertainement, et lance le premier opus de la plus prolifique de toutes ses franchises : Puppet Master. Fort impressionné par « La Poupée de la Terreur », le fameux segment du film à sketches Trilogy of Terror dans lequel une poupée vaudou attaque Karen Black (qui inspirait déjà partiellement Dolls), Band et son réalisateur David Schmoeller (maîtres d’œuvre de l’excellent Tourist Trap) se lancent ainsi dans ce Puppet Master au scénario confus qui s’écrit au fur et à mesure du tournage et qui mêle des médiums déjantés à un fou dangereux, maître des poupées et mort-vivant de surcroît. Rédigé officiellement par Kenneth J. Hall (puis révisé par David Schmoeller, Courtney Joyner et J.S. Cardone), le récit se déroule dans un hôtel désert situé en bord de mer, où les médiums en question se réunissent pour trouver le secret d’un certain André Toulon (William Hickey). Celui-ci, traqué par la gestapo, s’est suicidé cinquante ans plus tôt. Avant de se donner la mort, il a caché dans un mur une valise contenant cinq marionnettes redoutables qu’il a dotées de vie grâce à un secret acquis lors d’un voyage en Egypte. Celles-ci se libèrent bientôt et le carnage commence.
Malgré un casting de visages familiers comme William Hickey (L’Honneur des Prizzi), Paul Le Mat (American Graffiti) ou Irene Miracle (Inferno), le seul véritable intérêt de Puppet Master réside dans ses stars miniatures. Imaginées par Charles Band, conçues par Dennis Gordon et animées image par image ou mécaniquement par le talentueux David Allen, les poupées constituent des trouvailles très curieuses et sacrément originales. Il y a Blade, un tueur avec un couteau et un crochet en guise de bras (dont le physique s’inspire largement de Klaus Kinski, que Schmoeller dirigea tant bien que mal dans Fou à tuer), Pin Head, un colosse affublé d’une tête minuscule en pain de sucre, Mrs Leech, une espèce de poupée Barbie sensuelle qui crache de redoutables sangsues, Tunneler, un pantin dont le crâne se termine par une vrille perforatrice, et Jester, une poupée à la tête scindée en trois portions rotatives…
La grande récré
La dizaine de plans d’animation du film ne concerne en fait que certaines actions précises de Pin Head et Tunneler, notamment lorsque ceux-ci foncent vers la caméra ou effectuent des mouvements rapides en plan large. Pour le reste, c’est la mécanique qui est mise à contribution. Ce choix économique est un peu frustrant, car l’animation permet de tirer des poupées un maximum d’expressivité malgré leurs traits figés. « Nous n’avons pas du tout utilisé de fond bleu, parce que c’est une technique assez coûteuse », explique David Allen. « Ainsi, toutes les marionnettes à baguettes ont été filmées en direct sur le plateau, en prenant soin de dissimuler dans le décor les manipulateurs, les câbles et les tiges. » (1) Chaque apparition des poupées, petites perles d’inventivité, est une pure réjouissance, malgré le planning très serré et le budget très restreint (100 000 dollars) mis à disposition d’Allen. Mais le reste, et en particulier les comédiens en chair et en os, arrache aux spectateurs plus de soupirs que de frissons. Après un prologue très prometteur, situé pendant la seconde guerre mondiale, le film s’embourbe en effet dans la confusion la plus totale. A part une poignée d’idées surprenantes, comme les rêves prémonitoires du personnage principal – dans lesquels le méchant ressemble à un sosie grimaçant du Joker – ou les visions du passé d’une médium nymphomane, l’histoire se suit avec ennui et le carnage final, bien qu’il soit assez gratiné, laisse un peu froid. David Schmoeller lui-même avouera ne jamais avoir été convaincu par ce scénario embarrassant, même après avoir tenté de l’améliorer lui-même. Malgré ses défauts, Puppet Master remportera un grand succès sur le marché vidéo et lancera la franchise la plus prolifique jamais conçue par Charles Band.
(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998
© Gilles Penso
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