MORTS SUSPECTES (1978)

Michael Crichton passe derrière la caméra pour adapter un thriller de Robin Cook qui révèle les secrets innommables d'une clinique bien sous tous rapports

COMA

1978 – USA

Réalisé par Michael Douglas

Avec Genevieve Bujold, Michael Douglas,Rip Torn,Elisabeth Ashley, Richard Widmark, Lois Chiles, Harry Rhodes, Harry Barton

THEMA MEDECINE EN FOLIE

Morts suspectes marque la rencontre entre deux sommités de la fiction médicale : l’auteur/réalisateur/ producteur Michael Crichton et l’écrivain Robin Cook, à l’origine du roman « Coma » transposé ici à l’écran. La chirurgienne Susan Wheeler (Geneviève Bujold) et son chef de service Mark Bellows (Michael Douglas), qui exercent au Boston Memorial Hospital, forment un couple qui bat de l’aile. Tandis qu’il lui reproche de vouloir à tout prix porter la culotte, elle déplore son machisme patent. Un jour, Nancy Grinley (Loïs Chiles, future héroïne de Moonraker), une amie de Susan, vient subir un avortement thérapeutique. Alors qu’il s’agit d’une intervention banale, elle sombre dans le coma sans explication. Susan mène l’enquête et découvre que plusieurs cas similaires se sont déclarés dans cet hôpital, des opérations bénignes se soldant toutes par des comas irréversibles. Enfreignant le règlement interne pour obtenir des informations, Susan finit par se mettre à dos le docteur Harris (Richard Widmark), directeur de l’hôpital, qui lâche en aparté un inénarrable « les bonnes femmes, quelle plaie ! », puis exige la visite de la trop curieuse chirurgienne chez un psychiatre. « Un état de stress assorti de paranoïa », conclue ce dernier. Mais peu après, un autre malade, Sean Murphy (ce bon vieux Tom Selleck), connaît le même sort que Nancy, et tous deux finissent par passer l’arme à gauche.

Susan se demande si du monoxyde de carbone n’est pas utilisé pour tuer discrètement les patients dans la salle d’opération. Sa théorie du complot semble se confirmer lorsque le responsable de l’entretien de l’hôpital, qui s’apprêtait à lui faire des révélations, est retrouvé assassiné. Notre héroïne elle-même est bientôt prise en chasse par le tueur, dans une série de lieux aux multiples possibilités visuelles et dramatiques : conduits sinistres et claustrophobiques, amphithéâtre où des diapositives aveuglent momentanément le poursuivant, morgue où pendent dans des sacs des cadavres à perte de vue… Un gigantesque trafic d’organes se cache derrière tous ces mystères, et la tension continue de croître jusqu’à un excellent suspense final.

Un avant-goût de la série Urgences

Le film tire sa force de son réalisme, grâce à la double expertise de Cook et Crichton. La rigueur scientifique des méthodologies médicales, le descriptif de la politique interne de l’hôpital, les coucheries, les rivalités entre praticiens (« les chirurgiens ne connaissent rien à l’anesthésie ») annoncent les composantes de la série Urgences. Dommage que la mise en scène soit si académique, évacuant tout parti pris artistique, comme dans un téléfilm des années 70. Même la musique de Jerry Goldsmith est sans éclat, notamment dans l’embarrassante scène « idyllique » du week-end à la mer. Mais la fin rattrape toutes ces carences, et le décor hallucinant du Jefferson Institute, où des centaines de corps éclairés par une lumière ultraviolette sont suspendus par un enchevêtrement de câbles comme des marionnettes au bout de ficelles, est encore dans toutes les mémoires. Cette excellente œuvre paranoïaque, qui évoque les meilleurs films de Peter Hyams, donne à Ed Harris son premier rôle, celui d’un interne en pathologie.


© Gilles Penso

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