David Bowie incarne un extra-terrestre en quête d'eau dans cette fable de science-fiction étrange, atypique et erratique
THE MAN WHO FELL TO EARTH
1976 – GB
Réalisé par Nicolas Roeg
Avec David Bowie, Rip Torn, Candy Clark, Buck Henry, Bernie Casey, Jackson D. Kane, Rick Riccardo, Tony Mascia
THEMA EXTRA-TERRESTRES
Adapté d’un roman écrit en 1963 par Walter Tevis, L’Homme qui venait d’ailleurs raconte l’arrivée sur Terre d’un extra-terrestre à l’allure humaine dont la mission est de rapporter de l’eau sur sa planète moribonde, écrasée par une sècheresse accablante. Pour parvenir à ses fins, il commercialise plusieurs inventions révolutionnaires et se retrouve bientôt à la tête d’une multinationale, sous le nom de Thomas Jerome Newton. Lorsqu’il obtient la somme d’argent nécessaire, il se lance dans la fabrication d’un vaisseau spatial afin de pouvoir retrouver les siens. Mais les effets secondaires de son arrivée sur notre planète se font peu à peu ressentir : il sombre dans l’alcool, a du mal à gérer l’amour que lui porte la jeune Mary-Lou, et suscite des animosités auprès d’un monde industriel impitoyable qu’il ne maîtrise guère. Plus le temps passe, et plus son retour sur sa planète natale semble compromis… L’Homme qui venait d’ailleurs est archétypique d’un certain cinéma auteurisant des années 70, s’extrayant des règles narratives et formelles établies et préférant le sensoriel au rationnel, comme en écho à la Nouvelle Vague amorcée plus de dix ans plus tôt.
La démarche, assez déroutante, pousse Nicolas Roeg à se laisser aller à l’improvisation, à la déstructuration de son intrigue, et à des choix de montage curieux oscillant entre l’inventif (comme la mise en parallèle de deux actions situées à deux moments différents, évoquant les travaux d’Alain Resnais et annonçant ceux de Steven Soderbergh) et la totale confusion. Parfois, on a presque l’impression de visionner l’assemblage aléatoire de chutes ou de fins de bobine que le monteur aurait conservées par erreur. Ce traitement atypique donne l’impression que l’équipe est partie tourner en oubliant d’emporter avec elle le scénario, tout en essayant de se souvenir de l’histoire à raconter. La lecture du roman original, bien plus limpide que le script de Paul Mayersberg, s’avère d’ailleurs secourable pour qui veut comprendre les tenants et les aboutissants de ce récit alambiqué, dans lequel Roeg a accentué fortement les connotations sexuelles ambiguës.
Pâle, malingre et androgyne
La grande idée du film, qui lui doit sans aucun doute sa relative notoriété, est d’avoir confié le rôle-titre à David Bowie, même s’il fut un temps question de Peter O’Toole. Malingre, androgyne, très pâle, le comédien-chanteur ressemble vraiment à un extra-terrestre, sans qu’aucun maquillage n’ait besoin de le transfigurer. Le grimage intervient tout de même dans une scène étonnante où il se révèle sous ses véritables traits, le crâne lisse et le regard félin. Nicolas Roeg dote également son film d’une indéniable poésie graphique au cours des flash-back évoquant la planète de son héros. Accompagné de sa famille, harnaché d’un scaphandre où plusieurs tuyaux répartissent l’eau dans son corps, il traverse le désert rougeoyant et gagne un véhicule surprenant, aux allures de wagon pyramidal. Des images qui contrastent violemment avec le réalisme brut du reste du film, capté par une caméra ivre qui finit par laisser plus d’un spectateur sur le carreau. En 1987, MGM eut l’étrange idée d’en tirer une série télévisée, mais le projet s’arrêta au stade d’un pilote sans éclat signé Bobby Roth.
© Gilles Penso
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