Jack Black fait le pitre dans cette version burlesque du grand classique de Jonathan Swift
GULLIVER’S TRAVEL
2010 – USA
Réalisé par Rob Letterman
Avec Jack Black, Jason Segel, Emily Blunt, Amanda Peet, Billy Connolly, Chris O’Dowd, T.J. Miller, James Corden, Catherine Tate
THEMA NAINS ET GEANTS
Malgré une boulimie qui l’incite à jouer dans tout et n’importe quoi, Jack Black est un acteur qui force la sympathie, ne serait-ce que pour ses prestations dans des œuvres aussi recommandables que King Kong ou Soyez sympa rembobinez. Le savoir en tête d’affiche d’une nouvelle adaptation du classique de Jonathan Swift, modernisée et parodique, n’avait a priori rien d’incongru. « Les Voyages de Gulliver » originaux étaient d’ailleurs des écrits extrêmement cyniques, jouant sur les codes de l’odyssée fantastique et sur les lois de la relativité pour mieux décrier les travers des contemporains de leur auteur.
Avec Rob Letterman derrière la caméra (spécialiste de l’animation à qui nous devons notamment le savoureux Monstres contre Aliens) et Joe Stillman à la co-écriture du script (Shrek, Shrek 2, Planète 51), une bonne tranche de rigolade semblait au menu. Hélas, l’humour rase ici les pâquerettes et le cynisme se limite à quelques références balourdes à la culture pop américaine juxtaposées les unes aux autres comme autant de gros clins d’œil faussement complices adressés aux spectateurs. Star Wars, Titanic, X-Men, Avatar sont convoqués à tour de rôle, mais sans la nostalgie sincère d’un Michel Gondry, une telle accumulation embarrasse plus qu’elle n’amuse. Jack Black incarne donc un Lemuel Gulliver du 21ème siècle. Modeste employé préposé au courrier dans les locaux d’un grand journal, il est secrètement amoureux de la rédactrice Darcy Silverman (Amanda Peet). Suite à un quiproquo, le voilà qui part en reportage au beau milieu du Triangle des Bermudes. Naufragé après avoir été happé par un cyclone, il échoue sur l’île de Lilliput et fait la rencontre de ses minuscules habitants, en guerre perpétuelle contre leurs voisins de Blefescu.
Des farces d'école maternelle
Les figures visuelles imposées par l’œuvre initiale sont logiquement intégrées au film (Gulliver ficelé sur la plage, luttant contre la flotte ennemie, s’asseyant dans la cour du château royal) et prennent corps par l’entremise de trucages supervisés par Jim Rygiel (les trois Seigneurs des Anneaux, La Nuit au musée, Narnia 3). Mais ces effets visuels ne comblent évidemment pas les trous d’un scénario aussi peu étanche qu’une tranche de gruyère, d’autant que des prouesses techniques très similaires étaient déjà appréciables dans les versions précédentes du roman, notamment celles de Jack Sher (1960) et Charles Sturridge (1996). Quelques gags font tout de même mouche (la première partie située à Manhattan, le recyclage des paroles du « Kiss » de Prince pour séduire la belle princesse) mais la plupart d’entre eux se cantonnent à des farces d’école maternelle (comme lorsque l’un des Lilliputiens est écrasé par les fesses du héros déculotté). Même les idées les plus folles du script (Gulliver affrontant un robot géant d’inspiration nippone) tournent court, faute d’une exploitation correcte de leur concept (où est le combat titanesque tant attendu ?). Bref, pas grand-chose à sauver de ce long sketch pataud qui n’a su conserver ni la drôlerie, ni la subversion de son modèle littéraire, et dont la morale lénifiante se résume à : « il n’y a pas de petits métiers, il n’y a que de petites personnes… »
© Gilles Penso
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