Une variation excessivement gore sur le thème des Yeux sans visage, que Jess Franco met en scène avec un casting international prestigieux
LES PREDATEURS DE LA NUIT
1988 – FRANCE / ESPAGNE
Réalisé par Jess Franco
Avec Helmut Berger, Brigitte Lahaie, Chris Mitchum, Telly Savalas, Stéphane Audran, Florence Guérin, Caroline Munro
THEMA MEDECINE EN FOLIE
Fasciné par Les Yeux sans visage, qu’il avait fidèlement imité dans L’Horrible docteur Orloff en 1962, Jess Franco tente là une nouvelle variante sur le thème, la fin des années 80 lui permettant de ne plus se réfréner en matière d’horreur et d’érotisme. Ici, le docteur Flamand (Helmut Berger), dirige la Clinique des Mimosas à Saint-Cloud et délivre aux vieilles bourgeoises dont il ravale la façade des lieux communs flatteurs du genre « n’oubliez pas que votre corps est un temple. » Adepte du ménage à trois, il passe une soirée bien arrosée dans le beau Paris, lorsque surgit une ancienne patiente mécontente de son opération. Au lieu de gifler le docteur ou de l’attaquer en justice, elle utilise une méthode autant expéditive qu’improbable : une fiole d’acide dont elle arrose le visage de sa petite amie Ingrid. Dès lors, avec l’aide de son infirmière préférée (Brigitte Lahaie), Flamand va capturer des jeunes femmes pour tenter de restaurer la beauté de la malheureuse.
Le refrain est connu, mais Les Prédateurs de la nuit surprend par la régularité et l’excès de ses séquences gore (il faut dire que le film s’inspire largement du théâtre Grand-Guignol, et notamment du classique « Une Leçon à la Salpétrière » écrit en 1908 par André de Lorde) . On se souviendra en particulier de Gordon, l’assistant désaxé et obsédé sexuel qui tranche net d’un coup de machette les mains d’une patiente, des gros plans insistants sur le faciès défiguré d’Ingrid, de la seringue plantée dans l’œil d’une patiente, de l’écorchage vif d’un visage, d’une décapitation à la tronçonneuse suivie d’un baiser nécrophile, du gigolo égorgé avec une paire de ciseaux, de la tête décomposée infestée de vers, d’une infirmière trépanée à la perceuse, et surtout de l’opération elle-même, remake rouge vif de celle des Yeux sans visage. La gratuité et le jusqu’auboutisme de ces ponctuations horrifiques évoquent parfois Lucio Fulci, et leur impact repose beaucoup sur les remarquables maquillages de Jacques Gastineau.
Massacres en blouses blanches
Autre élément récréatif du film : un casting international et hétéroclite. Caroline Munro incarne une des victimes du docteur (elle passe le plus clair du film en petite culotte) ; Telly Savalas joue avec conviction son père, un businessman new yorkais prêt à tout pour la retrouver ; Stéphane Audran est une patiente indiscrète qui tente de faire chanter le docteur ; Howard Vernon fait une apparition dans le rôle qu’il interprétait dans L’Horrible docteur Orloff (les connaisseurs apprécient le clin d’œil, d’autant que sa femme est interprétée par Lina Romay, égérie de Jess Franco) ; Anton Diffring joue un ancien chirurgien nazi qui seconde Flamand dans l’opération ; quant à Florence Guérin, elle joue son propre rôle avec beaucoup d’auto-dérision. Outrageusement eighties dans son look et dans sa musique (les scènes de boîte de nuit sont involontairement hilarantes), le film collectionne également les clichés touristiques parisiens, de la Tour Eiffel aux Champs-Elysées en passant par l’hôtel Concorde Lafayette. Excessif de bout en bout, pas subtil pour un sou, Les Prédateurs de la nuit demeure pourtant l’une des imitations les plus distrayantes et les plus drôles du chef d’œuvre de Georges Franju.
© Gilles Penso
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