Un an après Dracula, Bela Lugosi vient hanter ce film d'épouvante, pionnier d'une longue série de longs-métrages consacrés aux zombies
WHITE ZOMBIE
1932 – USA
Réalisé par Victor Halperin
Avec Bela Lugosi, Madge Bellamy, Joseph Cawthorn, Robert Frazer, John Harron, Brandon Hurst, George Burr
THEMA ZOMBIES
Premier d’une longue lignée de films d’épouvante consacrés aux morts-vivants, White Zombies prend naturellement pour cadre Haïti, terre du vaudou. Madeleine Short (Madge Bellamy) et Neill Parker (John Harron), un jeune couple américain, s’y rend avec l’intention de s’y marier. Mais Charles Beaumont (Robert Frazer), leur hôte, amoureux de Madeleine et repoussé par elle, fait appel à Murder Legendre (Bela Lugosi), un sorcier qui transforme les gens en zombies pour les muer en ouvriers esclaves travaillant ardemment mais d’un pas pesant dans sa plantation de sucre. Lorsque sa bien-aimée sera morte, puis ressuscitée sous la forme d’un zombie, Beaumont espère ainsi l’avoir toute à elle. Legendre lui confie donc une drogue prévue pour être discrètement versée dans un verre de vin. Mais le plan machiavélique ne se passe pas exactement comme Beaumont l’avait prévu…
Les zombies sont donc ici d’anciens humains mués en esclaves sans âme, aux yeux fixes et aux gestes mécaniques, suite à l’absorption d’une simple goutte d’un liquide mystérieux, et à la confection d’une réplique miniature de leur corps dans une bougie taillée au couteau. Leur maquillage sobre mais franchement efficace est l’œuvre de Jack Pierce, créateur des monstres les plus célèbres du studio Universal. Le maître des zombies est l’inimitable Lugosi, les yeux fous, les traits livides, le sourire cynique et les mains crispées, superbe comme à son habitude, tout juste un an après le Dracula qui le rendit célèbre. Esthétiquement, le film de Halperin joue la carte de la curiosité, multipliant les surimpressions (les yeux de Lugosi menaçant la carriole des futurs mariés, l’image fantomatique de Madeleine apparaissant à son fiancé éploré) et les effets de volets (Madeleine à sa fenêtre et Neill assoupi sous une tente apparaissant chacun dans une moitié de l’écran).
L'apprenti-sorcier
Quand elle n’est pas saturée d’une musique puisée dans un stock de compositeurs variés (belle mais parfois envahissante et approximativement synchrone avec l’image, comme dans un film muet), la bande-son distille efficacement l’angoisse, via les cris terrifiants d’un vautour, le grincement des machines actionnées par les zombies, ou le concert des animaux de la nuit. Sous-tendue par une intrigue sentimentale à base de jalousie et d’amour frustré, cette habile histoire de morts-vivants se clôt au-dessus d’une falaise, sur laquelle est juché le magnifique château de Lugosi. Ce dernier, particulièrement photogénique, est tour à tour une peinture sur verre conçue par Howard A. Anderson (dont le fils allait vaillamment assurer la relève en dirigeant les effets spéciaux de La Machine à explorer le temps, Jack le tueur de géants et autre Les Évadés de la planète des singes) ou un vaste décor tourmenté créé par le directeur artistique Ralph Berger (qui œuvra sur divers Flash Gordon, Tarzan et Dick Tracy). Dans un mouvement collectif aveuglé, tous les zombies se jettent dans le vide au cours du climax, entraînant avec eux leur maître Lugosi, selon le schéma classique de l’apprenti-sorcier tué par ses propres créations.
© Gilles Penso
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