Une chasse à l'homme impitoyable tournée en même temps que King Kong et dans les mêmes décors
THE MOST DANGEROUS GAME
1932 – USA
Réalisé par Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel
Avec Joel McCrea, Fay Wray, Leslie Banks, Robert Armstrong, Noble Johnson, Steve Clemento
THEMA SUPER-VILAINS
Les Chasses du Comte Zaroff est étroitement lié à King Kong, avec lequel il partage de nombreux points communs : les auteurs Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper, le producteur David O. Selznick, les comédiens Fay Wray, Robert Armstrong, Noble Johnson et Steve Clemento, le compositeur Max Steiner et les mêmes décors de jungle reconstitués en studio. Les deux films furent d’ailleurs tournés simultanément, le budget modeste de Zaroff (200 000 dollars) et celui – bien plus conséquent – de Kong (600 000 dollars) s’équilibrant ainsi intelligemment. Les Chasses du Comte Zaroff est une adaptation de la nouvelle « The Most Dangerous Game » de Richard Connell, dont il restitue à merveille le rythme nerveux et le climat oppressant. Dès les premières minutes, une réplique d’un des protagonistes met en exergue la thématique du film : « L’animal de la jungle qui tue pour se nourrir est appelé sauvage, alors que l’homme qui tue pour le plaisir est qualifié de civilisé. N’est-ce pas contradictoire ? » Après le naufrage du yacht de ses amis (probablement inspiré à Schoedsack et Cooper par une mésaventure similaire qu’ils vécurent lors du tournage d’un documentaire ethnologique), le célèbre chasseur de fauves Bob Rainsford (Joel McCrea) s’échoue sur une île des Caraïbes. Il trouve refuge dans le château du comte Zaroff, un ancien aristocrate russe qui vit entouré de domestiques tartares patibulaires et d’une meute de chiens de chasse.
Le comédien britannique Leslie Banks campe cet étrange personnage avec une savoureuse duplicité, arborant un accent cosaque du plus bel effet. Bizarrement, Zaroff abrite également deux autres rescapés d’un naufrage, Martin Trowbridge et sa sœur Eve (Robert Armstrong et Fay Wray), les récifs de son île n’ayant visiblement aucune sympathie pour les coques des bateaux. Il ne s’agit évidemment pas d’un hasard, car Zaroff, féru de chasse ayant traqué tous les gibiers possibles et imaginables aux quatre coins du monde, a décidé pour varier les plaisirs de chasser désormais des proies humaines. « Dieu a créé certains hommes pour être des poètes, de certains autres il a fait des rois ou des mendiants. De moi, il a fait un chasseur » déclare-t-il à Rainsford avec emphase, avant d’ajouter, en jetant un regard mauvais à la belle Eve : « ce n’est qu’après avoir tué qu’on connaît l’extase de l’amour. »
Une jungle inquiétante digne de Gustave Doré
Au bout d’une demi-heure de métrage, un impitoyable chasse à l’homme s’amorce donc, dans une jungle inquiétante qui semble emprunter ses clairs obscurs aux gravures de Gustave Doré. L’action ne se relâche plus, les séquences de suspense savent savamment jouer avec les nerfs des spectateurs, et quelques morceaux de bravoure comme l’affrontement avec les chiens au sommet de la cascade évoquent la saga Tarzan des studios MGM, qui s’amorça d’ailleurs la même année. Les Chasses du Comte Zaroff est donc un classique indémodable, et probablement la meilleure adaptation du récit de Richard Connell. Joel McCrea, qui tient ici le devant de la scène, deviendra par la suite le héros de nombreux westerns tels que Buffalo Bill, La fille du désert ou Coups de feu dans la Sierra.
© Gilles Penso
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