Une splendide transposition sur grand écran des contes des Mille et Une Nuits, qui inspira les Sinbad de Ray Harryhausen et le Aladdin de Disney
THE THIEF OF BAGDAD
1940 – USA
Réalisé par Ludwig Berger, Michael Powell, Tim Whellan, Alexander Korda, Zoltan Korda et William Cameron Menzies
Avec Sabu, Conrad Veidt, June Duprez, John Justin, Rex Ingram, Miles Maleson, Morton Selten, Mary Morris, Bruce Winston
THEMA MILLE ET UNE NUITS
Jamais la féerie des 1001 Nuits ne fut transposée avec autant de splendeur sur un écran que dans ce Voleur de Bagdad, seconde et meilleure de toutes les versions cinématographiques du conte. Aveuglé et détrôné par l’infâme Jaffar, le prince Ahmad y partage sa geôle avec le jeune Abu, qui passe pour être le voleur le plus doué de tout Bagdad. Ensemble, les deux hommes s’évadent et s’efforcent de renverser le règne du maléfique usurpateur… Dans un Technicolor resplendissant – chose encore rare en 1940 – se succèdent des tableaux magiques inoubliables : le cheval automate qui transporte le sultan dans les airs, l’apparition du génie gigantesque, la lutte contre une impressionnante araignée géante, ou encore la voltige finale sur le tapis volant. Taillés sur mesure, les quatre rôles principaux vont comme un gant à Conrad Veidt, superbe Jaffar aux yeux hypnotisants et au profil de rapace, à Sabu, voleur sautillant comme le Mowgli qu’il interprétera deux ans plus tard dans Le Livre de la jungle, à June Duprez, magnifique princesse aux yeux clairs (remplaçant haut la main une Vivien Leigh d’abord pressentie), et à John Justin (dans son premier rôle), beau prince déchu transformé en mendiant héroïque.
Parmi l’armada d’artistes et de techniciens sollicités sur le tournage se trouvait le jeune maquilleur de Stuart Freeborn, futur maître d’œuvre des créatures de 2001 et La Guerre des Etoiles. « J’ai travaillé sur plusieurs des superproductions de Korda », se souvient-il. « C’est d’ailleurs moi qui ai appris l’anglais au jeune Sabu ! » (1) La partition de Miklos Rosza, aux belles tonalités orientales, s’agrémente parfois de chansons qui annoncent le style que Walt Disney standardisera. L’intrigue, riche en rebondissements savants, s’achève bien entendu par la mort de Jaffar. Frappé en plein front par une flèche, il chute dans le vide tandis que le cheval automate qui l’emportait dans les cieux tombe en morceaux. Très curieusement, le film est l’œuvre combinée de six réalisateurs, chacun étant choisi pour apporter une pierre artistique ou technique à l’édifice. Ludwig Berger fut sollicité pour les scènes romantiques, Tim Whelan pour les séquences d’action, et Michael Powell pour les grandes reconstitutions historiques et fantastiques.
Six réalisateurs et une armada d'artistes
Lorsque l’Angleterre entra en guerre, le tournage fut interrompu, et le film ne fut finalisé qu’en 1940 par les frères Korda et le directeur artistique William Cameron-Menzies, l’équipe déménageant de Londres vers Hollywood. Malgré cette profusion de talents, le film ne souffre guère de manque d’unité, bien au contraire. Des dialogues brillants, des décors superbes et des costumes flamboyants achèvent de faire accéder ce Voleur de Bagdad au statut de chef d’œuvre du cinéma fantastique. Les studios Disney y puisèrent d’ailleurs largement leur inspiration lorsqu’ils s’attelèrent en 1992 à leur long-métrage animé Aladdin, mettant en scène des personnages principaux similaires dont le mimétisme va jusqu’à l’utilisation des mêmes patronymes (notamment Jaffar et Abu, si ce n’est que ce dernier y devient un singe facétieux !).
(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 1996.
© Gilles Penso
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