La première partie d'un diptyque lovecraftien très ambitieux malgré des moyens particulièrement limités
LA HERENCIA VALDEMAR
2010 – ESPAGNE
Réalisé par José Luis Aleman
Avec Daniele Liotti, Oscar Jaenada, Laia Marull, Silvia Abascal, Santi Prego, Rodolfo Sancho, Ana Risueño, Norma Ruiz
THEMA DIABLE ET DEMONS
Contrairement à l’ensemble de ses homologues, le cinéaste espagnol José Luis Aleman n’a bénéficié d’aucune aide gouvernementale pour financer Le Territoire des ombres. L’ambition de son projet n’en est que plus étonnante : tourner dans la foulée deux longs-métrages d’époque s’inspirant des univers créés par l’écrivain H.P. Lovecraft. A vrai dire, le titre de cette première partie, Le Secret de Valdemar, évoque surtout Edgar Poe, Valdemar étant le nom de l’infortuné héros d’une des fameuses « Histoires Extraordinaires » publiées en 1845. A moins qu’il ne s’agisse d’un hommage à Waldemar Daninsky, le personnage frappé de lycanthropie qu’interpréta une douzaine de fois le mythique comédien Paul Naschy, qui joue ici le rôle du majordome Jarvas, et dont ce sera d’ailleurs le dernier rôle. Dès ses premières minutes, Le Territoire des ombres frappe par sa beauté plastique. Le générique de début, variante gothique de celui de Delicatessen, décline tous les postes clés de l’équipe du film sous forme d’objets anciens, au fil d’un magnifique plan-séquence porté par les envolées symphoniques du compositeur Arnau Bataller (qui orchestra les bandes originales de Beyond Re-Animator et [Rec] 3). La suite du métrage confirme le soin apporté à sa mise en forme : photographie somptueuse, décors à l’avenant, effets spéciaux de haute qualité, interprétation solide… Bref, Aleman a mis toutes les chances de son côté.
Le film démarre à notre époque. Lluisa Lorente, experte en biens immobiliers, est chargée d’évaluer la richesse d’une vaste demeure victorienne ayant appartenu à la famille Valdemar. Mais elle disparaît après avoir fait d’inquiétantes découvertes. Pour la retrouver, le directeur de l’agence engage le détective Nicolas Tramel. « A chaque océan ses mythes et légendes », lui dit-on. « C’est pareil avec les demeures. » L’intrigue nous transporte alors en 1874. Pour financer leur fondation de jeunes orphelins, Lazaro Valdemar et son épouse organisent chez eux de fausses séances de spiritisme. Mais un journaliste met à jour la tricherie et envoie Lazaro au cachot. Le destin de ce dernier s’apprête bientôt à basculer…
La fiction et la réalité s'entrechoquent
Les éléments fantastiques du récit ne se révèlent qu’avec parcimonie, le cinéaste s’attachant d’abord à nous intéresser à ses protagonistes et à affiner sa reconstitution historique. Pour brouiller les cartes, il mêle même à la fiction des personnages historiques réels, tels l’écrivain Bram Stoker (auteur de « Dracula »), les criminelles Belle Gunness et Lizzie Borden ou encore l’occultiste Aleister Crowley. Leur présence anachronique en pleine Espagne du XIXème siècle surprend quelque peu, d’autant que leur réunion au cours du dernier acte ouvre les portes d’une dimension inconnue et réveille des forces démoniaques prêtes à déferler sur notre monde. On le voit, les écrits de Lovecraft n’ont que peu de rapport avec le film, mais il ne s’agit que d’un premier acte prometteur, et les amateurs du tentaculaire Cthulhu pourront retrouver leur démon favori au cours du second épisode, comme le laissent imaginer les images furtives disséminées au cours du générique de fin.
© Gilles Penso
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