Kevin Connor adapte le mythique cycle "Caspak" d'Edgar Rice Burroughs en immergeant les occupants d'un sous-marin dans un monde préhistorique
THE LAND THAT TIME FORGOT
1974 – GB
Réalisé par Kevin Connor
Avec Doug McClure, John McEnery, Susan Penhaligon, Keith Barron, Anthony Ainley, Declan Mulholland, Godfrey James
THEMA DINOSAURES
La première fois que Kevin Connor collabore avec la compagnie Amicus, c’est en 1974 à l’occasion du film d’épouvante Frissons d’outre-tombe qui est aussi son premier long-métrage en tant que réalisateur après de longues années de pratique du montage. Frissons d’outre-tombe est parfaitement calibré sur les mécanismes des films à sketches produits par Max Rosenberg et Milton Subotsky. Quatre histoires horrifiques tournant autour du thème de la mort y sont narrées par un antiquaire incarné par Peter Cushing. Mais l’association Connor/Amicus restera surtout mémorable grâce à une source d’inspiration très différente : Edgar Rice Burroughs. Au-delà du personnage de Tarzan qui l’a rendu célèbre, Burroughs est l’auteur de plusieurs cycles fantastiques délicieusement « pulp », notamment les cycles de « Mars », « Pellucidar », « Vénus » et « Caspak ». Un an après Frissons d’outre-tombe, Kevin Connor s’embarque ainsi dans l’adaptation à grand spectacle du premier volume de la série « Caspak », « La Terre que le temps avait oublié », publié initialement en 1918. En France, le film portera comme titre Le Sixième continent. En s’attaquant à un tel univers, la compagnie Amicus sait qu’elle va devoir réunir un budget beaucoup plus conséquent qu’à l’accoutumée. Le Sixième continent sera donc coproduit par Lion International et distribué aux États-Unis par American International Pictures.
L’adaptation est l’œuvre du romancier de science-fiction Michael Moorcock, qui souhaite rester fidèle au roman de Burroughs mais va devoir s’éloigner du texte initial à la demande de la production. Autre concession exigée cette fois-ci par le distributeur : le remplacement du comédien principal Stuart Whitman par Doug McClure. Le film se situe pendant la première guerre mondiale. Après que le sous-marin allemand Montrose ait coulé un navire civil anglais, les survivants prennent d’assaut le submersible et torpillent un bateau de ravitaillement germanique. L’équipage allemand parvient à redevenir maître de la situation et le Montrose, entraîné par des courants sous le pôle, s’échoue sur le continent inconnu de Caprona. Sur cette île, l’évolution est si lente que les dinosaures et les hommes des cavernes vivent parallèlement. Anglais et Allemands, obligés de s’allier par la force des choses, luttent contre les êtres préhistoriques de ce continent oublié et tentent, grâce à une source de pétrole, de refaire le plein de carburant pour repartir vers la civilisation. Ahm, de la tribu des Bo-Lu, accepte de devenir leur guide dans la jungle inhospitalière de Caprona. Mais il est bientôt happé par les mâchoires d’un ptéranodon. Et pour couronner le tout, la terre gronde et des volcans commencent à entrer en éruption…
Les monstres de Caprona
La première partie du film, qui décrit l’affrontement entre Anglais et Allemands dans le huis-clos d’un sous-marin germanique, agrémentée de splendides maquettes de navires signées Derek Meddings, laisse présager une suite pleine d’intérêt. On note d’emblée un judicieux rejet de tout manichéisme chez les opposants. Mais dès que l’action se transporte sur l’île de Caprona, la crédibilité disparaît partiellement et le rythme s’essouffle. Les protagonistes y contemplent des dinosaures pas vraiment convaincants. Créés par Roger Dicken, ce sont la plupart du temps des marionnettes d’environ un mètre de long assez limitées dans leurs mouvements. On assiste ainsi à l’attaque des hommes par un tylosaure et un plésiosaure (les gros plans des monstres marins étant des maquettes grandeur nature très amorphes), à l’intervention de deux allosaures dans la forêt, au combat entre un tricératops et un cératosaure, ou encore à l’arrivée d’un couple de styracosaures. Inspirées par les peintures de Zdenek Burian, ces créatures auraient méritées d’être animées en stop-motion, comme celles de Quand les dinosaures dominaient le monde sculptées elles aussi par Roger Dicken. Mais l’animation mécanique est préférée pour gagner du temps, économiser du temps de post-production et obtenir un résultat plus fluide (cette dernière demande est celle de Kevin Connor, qui souhaite pouvoir « diriger » les monstres en direct). Les rétroprojections et les décors miniatures y sont tout de même très soignés, et certains plans sont de vraies réussites graphiques, notamment la silhouette du styracosaure dans les flammes, le gros plan des allosaures ou la bave réaliste du cératosaure en plein combat. La grosse erreur est surtout d’avoir utilisé une maquette grandeur nature complètement immobile d’un ptérodactyle géant suspendu par des câbles, qui détruit toute illusion. Seule sa bouche remue, et il vole sans battre des ailes à la manière d’un deltaplane. Les décors de Caprona, souvent peints sur verre, sont parfois magnifiques, mais il ne s’y passe hélas rien de très palpitant. Le spectateur regarde donc distraitement Allemands et Anglais qui luttent main dans la main contre toutes sortes de monstres antédiluviens et contre plusieurs tribus d’hommes préhistoriques. Il faudra attendre le spectaculaire cataclysme final, symbole récurrent du bouleversement du cycle naturel du continent préhistorique par l’intervention de l’homme civilisé, pour que le film retrouve un trop tardif souffle épique.
© Gilles Penso
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