C'était impossible et pourtant Peter Jackson l'a fait : porter à l'écran la monumentale saga littéraire de J.R.R. Tolkien
LORD OF THE RINGS – THE FELLOWSHIP OF THE RING
2001 – NOUVELLE-ZELANDE
Réalisé par Peter Jackson
Avec Elijah Wood, Ian McKellen, Viggo Mortensen, Orlando Bloom, John Rhys-Davies, Christopher Lee, Liv Tyler
THEMA HEROIC FANTASY I DRAGONS I SAGA LE SEIGNEUR DES ANNEAUX
Après l’échec du dessin animé de Ralph Bakshi, la trilogie littéraire de J.R.R. Tolkien semblait à tout jamais inadaptable. Jusqu’à ce que Peter Jackson ne s’attelle à la gigantesque tâche avec un succès impensable. Et pourtant, qui aurait misé sur cet adolescent attardé auteur de sommets du gore burlesque tels que Bad Taste, Braindead et Les Feebles ? Le jovial barbu amateur de zombies avait déjà surpris tout le monde en opérant un virage à 180° lors du troublant Créatures célestes. Cette œuvre révélait déjà un fort penchant pour l’héroïc fantasy, les rêves des deux héroïnes étant peuplés de licornes, de papillons géants et de châteaux médiévaux. Mais avec la trilogie Le Seigneur des Anneaux, c’est à une entreprise autrement plus colossale que s’est attaqué Jackson, d’autant qu’il s’est mis en tête de tourner les trois films dans la foulée – chacun durant tout de même trois heures – et loin des studios hollywoodiens, sur sa terre néo-zélandaise natale.
Le projet semblait dément, mais comment ne pas lui donner raison au vu du résultat ? Qu’il s’agisse de la transcription du texte initial excessivement dense en scénario intelligible et captivant, du choix des décors naturels sublimes, du casting irréprochable ou des impressionnants moyens techniques mis en œuvre, La Communauté de l’Anneau ne dénote d’aucune faute de goût. Tout y est grandiose, magnifique, émouvant, essoufflant. Les superlatifs manquent pour décrire les qualités de cette épopée, s’attachant aux pérégrinations de neuf héros aussi dissemblables que faire se peut (trois humains, quatre minuscules hobbits, un elfe et un nain) qui se fixent la mission de détruire un anneau magique forgé par le maléfique Sauron. On n’en finirait plus de citer les séquences sublimes qui rythment le film, à l’image de ce surréaliste torrent prenant la forme de chevaux au galop pour mieux écarter les cavaliers noirs de Sauron.
Le premier acte d'un opéra
Pour concevoir les multiples créatures fantastiques qui peuplent son récit, Jackson s’est octroyé les services de son vieux complice Richard Taylor et de Randy Cook, ancien spécialiste de l’animation image par image reconverti à la 3D. C’est l’occasion, pour Jackson, de rendre hommage à Ray Harryhausen, l’un de ses maîtres à penser. Notamment avec la séquence de la Moïra, qui met en scène un monstre marin tentaculaire, un gigantesque Troll et le fameux Balrog, sorte de redoutable dragon incandescent. “Pour la scène du Troll, nous avons utilisé le principe de la capture de mouvement non seulement pour l’actreur qui mimait la gestuelle du monstre, mais aussi pour les mouvements de caméra, ce qui permettait de le filmer comme s’il s’agissait d’un reportage, avec des mouvements brusques et saccadés”, raconte Randy Cook (1). La structure du scénario désobéit aux règles dramaturgiques habituellement établies, car non seulement le récit s’interrompt sans véritable climax, malgré une bataille entre hommes et Orques assez mouvementée, mais en plus il prend le temps de s’attarder sur chaque personnage et chaque enjeu sans se soucier véritablement des rythmes inhérents aux grands films d’action. En cela, il se rapprocherait plus du premier acte d’un opéra. Impression que confirme la partition d’Howard Shore, qui nous surprend lui aussi dans un registre où on ne l’attendait pas. Car le compositeur attitré de David Cronenberg, habitué jusqu’alors aux univers minimalistes, nous livre ici une musique flamboyante et emphatique.
(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 1999.
© Gilles Penso
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