Auteur du concept de Chucky, Don Mancini passe à la mise en scène pour ce quatrième opus un peu trop porté sur l'auto-citation
Comme David S. Goyer sur Blade Trinity, Don Mancini, scénariste de Jeu d’Enfant et de ses trois séquelles, a décidé de passer lui-même à la mise en scène à l’occasion des cinquièmes aventures de la poupée Chucky. L’écart relativement long qui sépare cet épisode du précédent (six ans) s’explique par l’indécision d’Universal vis-à-vis du script de Mancini, ce qui se comprend aisément face au résultat final. Comme le laissait imaginer la fin de La Fiancée de Chucky, l’assassin en plastique et sa petite amie Tiffany ont engendré une hideuse progéniture, ce que nous rappelle un générique en 3D de bas étage révélant le fœtus en question. Après une scène prologue en caméra subjective qui rend un hommage manifeste à Halloween et Psychose, nous faisons donc connaissance avec le fameux fils de Chucky. Aussi disgracieux que ses parents (mais ne bénéficiant pas d’un design aussi réussi), il répond au doux nom de « Shit Face » et sévit chez un ventriloque minable, qui ne semble pas du tout étonné d’avoir sous la main une poupée vivante !
En proie à une grave crise d’identité, le poupon découvre un jour qu’Hollywood s’apprête à tourner un film sur les exploits de deux poupées tueuses, Chucky et Tiffany. Reconnaissant là ses parents, il échappe à son employeur-geôlier et met le cap sur la capitale du cinéma (via un dessin sur une carte et un avion en fondu enchaîné directement inspirés des Aventuriers de l’Arche Perdue). S’infiltrant sur le plateau de tournage, il réveille ses affreux géniteurs grâce à une amulette qu’il porte autour du cou, et s’aperçoit bien vite que sa famille est loin d’être aussi chaleureuse qu’il l’avait imaginé. Tandis que Chucky s’efforce de faire partager à son fils le goût du meurtre, Tiffany décide de se « désintoxiquer » et de rencontrer son idole, l’actrice Jennifer Tilly, afin d’intégrer son corps une bonne fois pour toutes. Le Fils de Chucky joue donc la carte de la mise en abyme, suivant le modèle de Wes Craven et de son Freddy sort de la Nuit. C’est l’occasion de quelques apparitions de guest stars (le réalisateur John Waters dans le rôle d’un paparazzi, le créateur d’effets spéciaux Tony Gardner s’interprétant lui-même, et même un sosie de Britney Spears), de clins d’œils variés à d’autres films (Glen or Glenda d’Ed Wood, Bound des frères Wachowski) et d’une série de gags à l’efficacité toute relative. Car là où La Fiancée de Chucky réussissait le parfait équilibre entre l’horreur et la comédie, Le Fils de Chucky part dans tous les sens, gorgé d’autosatisfaction et de private jokes guère concluantes.
Chucky sort de la nuit
Il faut dire que le scénario du film, absurde et totalement incohérent, ne facilite guère l’adhésion du spectateur. Restent les marionnettes, dont chaque apparition reste un grand moment de bonheur, et les meurtres spectaculaires, mixant très efficacement effets spéciaux de maquillage et trucages numériques, notamment une décapitation vertigineuse et un visage qui se décompose à la vitesse grand V au contact d’une bouteille d’acide. Non sollicité sur ce film malgré son travail remarquable sur les effets spéciaux des quatre premiers Chucky, le créateur des effets spéciaux Kevin Yagher en retire forcément une certaine amertume. « Universal a vendu les droits de la franchise à Focus Features, qui a voulu travailler avec d’autres personnes et surtout réduire les budgets de manière conséquente », explique-t-il. « Honnêtement, je ne suis pas certain que le postmodernisme excessif du Fils de Chucky ait été une bonne idée. En revanche il y a un élément très intéressant dans le film. A l’époque où il l’a réalisé, Don Mancini a fait son coming-out. C’était donc un tournant important dans sa vie. Or dans le film il y a une séquence où le fils de Chucky et Tiffany se pose des questions sur sa sexualité, en se demandant “suis-je un garçon ou une fille ?“. Je ne sais pas si c’était conscient ou non de la part de Don, mais c’est sans doute un film plus personnel que ce qu’on pourrait croire de prime abord. » (1)
(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2016
© Gilles Penso
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