L’AVENTURE INTERIEURE (1987)

Le film le plus distrayant et le plus abouti de Joe Dante est une relecture débridée du classique Le Voyage fantastique

INNER SPACE

1987 – USA

Réalisé par Joe Dante

Avec Dennis Quaid, Martin Short, Meg Ryan, Kevin McCarthy, Fiona Lewis, Vernon Wells, Robert Picardo, Wendy Schaal

THEMA NAINS ET GEANTS

Difficile de revenir sur une réussite aussi éclatante que L’Aventure intérieure sans évoquer la folle alchimie de sa confection, donnant tout son sens à l’expression « association de talents ». Steven Spielberg producteur en premier lieu, laisse les coudées franches une fois de plus à son protégé prodige Joe Dante, forts du succès historique de leur acide Gremlins. Les deux comparses, partageant un goût prononcé du spectacle total, poussent ici le cinéma de divertissement à son paroxysme, et donc au-delà de ses limites imposées, élargissant de façon jouissive le champ des possibles. Le scénario de Jeffrey Boam et Chip Proser, subtil démarquage du fameux Voyage fantastique de Richard Fleischer, permet à Dante d’inverser totalement les schémas classiques, en injectant « Dean Martin dans le corps de Jerry Lewis ». En l’occurrence, le beau gosse charismatique Dennis Quaid (Tuck Pendleton) qui se retrouve miniaturisé, prisonnier du corps du névrosé Martin Short (Jack Putter), échappé du séminal Saturday Night Live. Dès la première scène du film, la couleur est annoncée : méfiez-vous des apparences.

Le mystérieux générique (rythmé par la splendide musique de Jerry Goldsmith qui livre ici l’une de ses meilleures partitions) nous montre des formes étranges qui, se dessinant progressivement, s’avèrent être les glaçons d’un verre de whisky filmés en macro. La séquence d’ouverture commence alors comme une flamboyante cérémonie militaire à la Top Gun, célébrant un courage très américain… Pour mieux se terminer en pirouette irrévérencieuse avec un Dennis Quaid complètement ivre qui fout tout en l’air dans la bonne humeur, tel un gremlin incontrôlable. La note d’intention est claire : le personnage de Pendleton, c’est Dante, fauteur de troubles malicieux, tête brûlée qui n’accepte pas les règles d’un système hollywoodien trop balisé et ne peut s’empêcher de ruer dans les brancards. Mais le réalisateur est aussi un fan de cartoons doublé d’un grand timide, ce qui le lie étroitement à Jack Putter, héros malgré lui. Faisant confiance aux effets spéciaux magnifiques de l’équipe de Dennis Muren (qui récoltera un Oscar), à la photo classieuse d’Andrew Laszlo et à ses seconds rôles fétiches (Dick Miller, Wendy Schaal, Robert Picardo, Kathleen Freeman), le réalisateur maverick se lance à corps perdu dans l’aventure avec une générosité incroyable.

La divine générosité du duo Spielberg/Dante

Et cette divine générosité, chez le duo Spielberg/Dante, s’accompagne d’un vrai désir de flatter l’intelligence et les sens du spectateur en variant les plaisirs à foison. Dans un joyeux désordre : références à Chuck Jones, évidemment (qui se fend d’un caméo), au cinéma parano des 60’s (impayable Kevin McCarthy), gags visuels percutants et punchlines imparables en cascade, méchants de BD hauts en couleurs (Vernon Wells en tueur multi-fonctions, idée de Spielberg pour le premier Indiana Jones ; Robert Picardo en cowboy musulman halluciné), courses poursuites endiablées, combat à l’intérieur d’un corps humain (grand moment de pure SF), folie cartoonesque débridée (les méchants réduits à l’état de lilliputiens, Jack Putter prenant les traits du cowboy en passant par de multiples visages absurdo-horrifiques), amitié virile et romance. Tout est pensé pour aller à l’essentiel, exploiter chaque possibilité du sujet, faire évoluer les enjeux dramatiques à rythme soutenu, et surtout… divertir, dans le sens le plus noble du terme. Et le but est plus qu’atteint. Le film ne trouvera étonnamment pas son public malgré d’excellentes critiques (trop hybride ?), et ne deviendra culte qu’en vidéo, préfigurant le suicide commercial couillu de Gremlins 2. Une œuvre à redécouvrir d’urgence pour mieux mesurer le cynisme calculateur des années 2000, avant qu’un énième et sage remake ne vienne pervertir sa folie salvatrice…

© Julien Cassarino 

Partagez cet article