Un cinéaste underground décide de réaliser le film d'horreur ultime en tuant réellement ses acteurs devant la caméra
LAST HOUSE ON DEAD END STREET
1973 – USA
Réalisé par Roger Watkins (sous le pseudonyme de Victor Janos)
Avec Roger Watkins, Ken Fisher, Bill Schlageter, Kathy Curtin, Pat Canestro, Steve Sweet, Edward E. Pixley, Nancy Vrooman
THEMA TUEURS I CINEMA ET TELEVISION
Last House on Dead End Street fut longtemps entouré de mystère. Tous les noms au générique étant des pseudonymes (le film est signé Victor Janos) et aucun membre de l’équipe n’ayant officiellement admis y avoir participé, il fallut attendre le début des années 2000 pour que Roger Watkins, auteur, réalisateur et acteur principal du film, n’avoue être l’homme à la tête de ce projet fou. Tourné en 1972 avec un budget ridicule, sorti brièvement en salles en 1977 sous le titre Fun House, ressorti deux ans plus tard sous son nouveau titre Last House on Dead End Street (inspiré par celui de La Dernière maison sur la gauche), puis très furtivement distribué en vidéo, cet OVNI a ensuite disparu de la circulation, à tel point que son existence même fut souvent remise en cause. Aujourd’hui, grâce à son exhumation en DVD, le premier long-métrage de Roger Watkins est enfin visible.
Malgré la pauvreté de ses moyens (une caméra 16 mm sans prise de son directe, des comédiens amateurs, un budget de 1500 dollars servant principalement à acheter des drogues), Watkins a de grandes intentions, imaginant son film comme un croisement entre Orange mécanique et Un chien andalou, et tenant lui-même le rôle principal d’un cinéaste underground nommé Terry Hawkins. Tout juste sorti de prison pour trafic de drogue, Hawkins a décidé de délaisser les films pornos confidentiels qu’il tournait à la sauvette pour se lancer dans une nouvelle entreprise : le film d’horreur le plus réaliste de tous les temps. Pour y parvenir, il convoque des amis dans une grande maison abandonnée et décide de les tuer réellement devant la caméra. La bande son se sature alors de hurlements, de battements de cœur, de rires hystériques et de voix off nébuleuses, tandis que les massacres éclaboussent l’écran. A ce titre, l’abominable séquence du dépeçage sur la table d’opération s’avère particulièrement gratinée. D’autres scènes hallucinantes ponctuent le film, témoignage de l’état second dans lequel Watkins et son équipe devaient probablement se trouver pendant le tournage : la femme maquillée en noir et fouettée interminablement par un bossu dans une soirée mondaine, l’homme obligé de faire une gâterie buccale à une patte de cerf, l’œil crevé à la perceuse…
Un vrai snuff movie ?
On peut légitimement être rebuté par l’amateurisme général du résultat, l’incohérence du scénario, l’imprécision du montage, la piètre qualité de l’image ou l’approximation de la post-synchronisation. Mais il faut savoir que les spectateurs qui découvrirent le film en 1977 furent saisis par son réalisme, s’interrogeant même sur sa nature éventuelle de « snuff movie » (s’agissait-il de réelles mises à mort filmées en direct ?). La polémique survint justement à cause du caractère brut et quelque peu primitif du long-métrage, attisée en outre par le film Snuff de Michael et Roberta Findlay, sorti sur les écrans un an plus tôt. Evidemment, tout est faux dans Last House on Dead End Street, et les trucages sont même très sommaires. Mais ce débat participa activement à la réputation sulfureuse du film. A l’image de son héros, Roger Watkins échoua par la suite dans le cinéma porno underground avant de mourir d’une crise cardiaque en mars 2007.
© Gilles Penso
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