Une relecture élégante et sensible de La Fiancée de Frankenstein illuminée par un magnifique trio d'acteurs
THE BRIDE
1985 – GB
Réalisé par Franc Roddam
Avec Sting, Jennifer Beals, Clancy Brown, Anthony Higgins, David Rappaport, Geraldine Page, Alexei Sayle, Phil Daniels, Veruschka
THEMA FRANKENSTEIN
La Promise commence exactement là où s’arrêtait La Fiancée de Frankenstein (d’où la référence au film de James Whale présente dans le titre original). Le prologue ne s’embarrasse pas d’explication quant à la situation (que tout le monde connaît) et démarre dans le feu de l’action. Un soir d’orage, dans la tour de son château, le jeune baron Charles Frankenstein (interprété par le chanteur Sting, très médiatisé pour sa petite prestation dans Dune l’année précédente) s’apprête à offrir une fiancée à la créature artificielle qu’il a créée quelques mois plus tôt (Clancy Brown, l’inoubliable Kurgan d’Highlander). Mais lorsque la jeune femme (Jennifer Beals, la star de Flashdance) surgit du néant, elle ne peut supporter la vue du monstre. Celui-ci, par dépit, détruit le laboratoire de Frankenstein puis prend la fuite. Or le baron s’aperçoit que la créature femelle à qui il vient de donner la vie est d’une grande beauté. Il la prénomme Eva et décide de faire d’elle son égale. Autrement dit une femme qui serait comme lui libre, cultivée et indépendante. Une fois son éducation achevée, il sera fier de la présenter à la haute société. « Le problème avec les femmes libres, Charles, c’est qu’elles sont libres de nous mépriser », dira à Frankenstein son collègue Clerval. « C’est un risque que je trouve inacceptable. » Pendant ce temps, le monstre, en fuite, erre à travers la campagne et rencontre le nain Rinaldo (David Rappaport). Celui-ci le prend en amitié et le nomme Viktor. Tous deux partent pour Budapest où ils sont engagés dans un cirque.
Ainsi, après une introduction référentielle évoquant les films de la période Universal, La Promise échappe à ses influences pour embarquer ses spectateurs sur un territoire bien moins balisé, le scénario s’attachant à décrire parallèlement l’apprentissage de la vie des deux créatures de Frankenstein. Pour Eva, c’est une éducation glaciale, sclérosée, voire hypocrite, alors que les expériences de Viktor sont vivantes, colorées, empreintes de joie ou de tristesse. La photographie de Stephen Burum s’en ressent, optant tour à tour pour des tonalités froides/bleutées ou chaudes/orangées. Franc Roddam et le scénariste Lloyd Fonvielle exploitent l’argument fantastique au profit du drame humain et introduisent subtilement une sorte de télépathie, un partage des émotions des deux créatures malgré la distance qui les sépare.
L'éveil de deux âmes
Quant au baron Frankenstein, le film nous en dresse un portrait guère reluisant. Orgueilleux, jaloux, possessif, il devient rapidement insupportable. L’humanité et la sensibilité d’Eva et Viktor ne s’en ressentent que davantage. Et lorsque le savant s’avère trop entreprenant avec sa féminine création, celle-ci se rebelle aussi sec. « Vous pouvez faire ce qui vous chante ! », lui crie-t-elle. « Vous pouvez défaire le corps que vous avez assemblé, vous pouvez oter la vie que vous m’avez donnée, mais vous ne me posséderez pas. Jamais. Même si vous me tuez pour me ressusciter un millier de fois, vous ne me possèderez pas. » Cette variation sur un thème pourtant bien usé brille ainsi par son intelligence et sa nouveauté. Car au-delà de la science-fiction et de l’épouvante inhérentes à l’histoire, La Promise conte avant tout l’éveil de deux âmes.
© Gilles Penso
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