LA PETITE BOUTIQUE DES HORREURS (1960)

Tournée en moins de trois jours, cette comédie horrifique de Roger Corman met en scène une plante carnivore à l'appétit insatiable

THE LITTLE SHOP OF HORRORS

1960 – USA

Réalisé par Roger Corman

Avec Jonathan Haze, Jackie Joseph, Mel Welles, Dick Miller, Myrtle Vail, Tammy Windsor, Leola Wendorff, Jack Nicholson

THEMA VEGETAUX

Recyclant les recettes d’Un Baquet de sang qu’il réalisa en 1959, et s’inspirant de la nouvelle « Green Thoughts » de John Collier, Roger Corman signe avec La Petite boutique des horreurs une curiosité ayant atteint le statut tant convoité de film culte (il faut dire que le titre lui-même est une belle trouvaille). Jonathan Haze incarne Seymour Krelboin, modeste fleuriste chargé des livraisons. Amoureux d’une jeune fille aussi idiote que lui, Audrey (Jackie Joseph), il est menacé de licenciement économique dans la mesure où la boutique qui l’emploie, tenue par Gravis Mushnick (Mel Welles), ne se porte pas à merveille. Mais les choses changent lorsque Seymour crée par croisements une plante carnivore facétieuse mais extrêmement gloutonne qu’il baptise Audrey Jr et qui devient vite la coqueluche du quartier. Peu à peu, cette invention lui permet de gagner du respect, d’acquérir une petite renommée et même de séduire Audrey, première du nom. Mais la plante n’est assouvie que lorsqu’elle consomme du sang humain. Et son appétit semble hélas insatiable.

La comédie, même si elle est noire et empreinte de fantastique, ne semble pas être le point fort de Roger Corman. Le jeu des acteurs, terriblement dénué de subtilité, les gags, incroyablement poussifs, et les dialogues, ineptes de bout en bout, contribuent à rendre le film exaspérant. Mais nous avons ici affaire à une de ces « œuvres » dont le caractère maladroit fait un peu le charme. « Sur un pari, j’ai tourné La Petite boutique des horreurs en deux jours et une nuit pour 35 000 dollars » raconte fièrement le réalisateur (1). Ce budget ridicule et ce planning réduit à sa plus simple expression ont beaucoup contribué à la notoriété du film. Malin, Corman en a même fait un argument marketing. Mis en scène à la manière d’une captation de pièce de théâtre, ce petit objet filmique sans prétention se situe à des kilomètres des films stylisés que Corman réalisera en adaptant Edgar Poe (la même année, il mettait en scène le somptueux La Chute de la maison Usher). Ici, la caméra se contente d’enregistrer en plan large les gesticulations des comédiens dans un décor unique (édifié à l’origine pour une autre production qui, finalement, fut avortée avant son tournage), et le montage, purement fonctionnel, est très approximatif.

« Feeeeed me ! »

On gardera surtout en mémoire cette plante en pleine crise de croissance et au look de noix de coco ouverte qui crie inlassablement « A manger ! » (« Feeeed me ! » en V.O., avec la voix du co-scénariste Charles B. Griffith), ainsi que les interventions burlesques de Dick Miller dans le rôle d’un client qui mange les fleurs, ou encore la courte mais fameuse prestation de Jack Nicholson en client masochiste d’un dentiste sadique (« pas de novocaïne », supplie-t-il pour éviter les anesthésies, « ça attenue les sensations ! »). Sur les jaquettes vidéo et DVD du film, le poster initial sera d’ailleurs remplacé par un nouveau visuel laissant la part belle à Nicholson, devenu entre-temps une superstar. Désormais, son nom surplombe le titre et son portrait laisse imaginer qu’il incarne le personnage principal. La renommée de La Petite boutique des horreurs lui vaudra la mise en chantier d’un remake en 1986, signé Frank Oz, et une adaptation sur les planches sous forme de comédie musicale. 

(1) Extrait de la biographie “Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime” par Roger Corman et Jim Jerome, publiée en 1990

© Gilles Penso 

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