Jean Rollin s'adapte à la vogue des films de zombies en conservant ses motifs favoris : la poésie macabre, le sang et l'érotisme
LA MORTE-VIVANTE
1982 – FRANCE
Réalisé par Jean Rollin
Avec Françoise Blanchard, Marina Pierro, Mike Marshall, Carina Barone, Fanny Magier, Patricia Besnard-Rousseau, Jean Berel
THEMA ZOMBIES I SAGA JEAN ROLLIN
Spécialisé dans les films de vampire érotiques made in France depuis la fin des années 60 (Le Viol du vampire, La Vampire nue, Le Frisson des vampires et compagnie), Jean Rollin s’est attaqué en 1982 au thème du zombie, mais sans pour autant changer grand-chose à ses habitudes. Les filles se dénudent donc encore généreusement et le sang coule toujours à flots écarlates. La morte-vivante du titre est une jeune femme du nom de Catherine Valmont, décédée prématurément, dont le joli cadavre repose dans une crypte où trois ouvriers viennent un jour déposer des fûts de produits apparemment toxiques. Profitant d’être sur place, ils décident de dépouiller sans vergogne les cadavres de leur trop-plein de bijoux. Soudain, rien ne va plus : Catherine revient à la vie, crève les yeux de l’un des vauriens avec ses ongles exagérément effilés, puis égorge le second à coups de griffes, tandis que le troisième a le visage horriblement défiguré par le contenu d’un des fûts qui vient s’écouler dans la crypte.
Décrite comme ça, la séquence peut paraître horrifique à souhaits, mais le montage très approximatif de Jean Rollin et le jeu évasif de ses comédiens ruinent une bonne partie de son impact, malgré des trucages plutôt efficaces. « J’ai été engagé sur ce film pour créer des effets gore, notamment pas mal d’égorgements », raconte Benoît Lestang, responsable des maquillages spéciaux du film. « Mais à l’époque je dois bien avouer que n’y connaissais rien du tout. Je vivais encore chez mes parents, donc je travaillais dans la salle de bains et dans ma chambre… C’était n’importe quoi ! Sur un tournage normal, on m’aurait viré dès le premier jour. Mais comme c’était un film à très petit budget et que je ne coûtais pas cher à la production, personne ne m’a jamais rien dit. » (1) Assoiffée de sang, la belle Catherine se met à errer dans la campagne avoisinante jusqu’à regagner la grande demeure où elle a grandi. Là, son amie d’enfance Hélène la retrouve et, passée une légitime période d’incrédulité, décide de l’aider à se maintenir artificiellement en vie en lui fournissant autant de victimes que nécessaire.
Un décalage abyssal entre les intentions et le résultat
Un tel sujet méritait une mise en scène inspirée, une photographie soignée et des acteurs convaincants. Hélas, tout le potentiel d’épouvante, d’émotion et d’érotisme que contenait en substance le scénario de Jean Rollin et Jacques Ralf s’estompe derrière la banalité formelle du film. On y trouve même des clichés franchouillards du plus curieux effet, notamment le bistrot et ses piliers de comptoir, le marché aux fruits et légumes et une fête du village caricaturale avec un mauvais groupe de rock qui s’accompagne à l’accordéon ! Ce décalage entre les intentions initiales et le résultat final est d’autant plus regrettable que la relation entre Catherine, femme-zombie terrifiée par son état, et Hélène, devenue meurtrière par amour, pouvait s’avérer passionnante, et que le final, basculant du gore le plus outrancier au drame le plus poignant, laisse imaginer le beau conte d’épouvante que cette Morte-vivante aurait pu être. On retrouve d’ailleurs certaines composantes de ce récit – le lesbianisme en moins – dans Le Retour des morts-vivants 3 de Brian Yuzna, pas beaucoup plus argenté mais bien mieux ficelé.
(1) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 1996
© Gilles Penso
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