Après l'indigestion d'auto-citations et de second degré du Fils de Chucky, Don Mancini opte pour une épouvante plus classique
Les excès du Fils de Chucky prouvaient que la voie de l’autocitation se soldait par une impasse pour la saga initiée en 1988 par Jeu d’enfant. Evitant lucidement la surenchère, l’auteur/réalisateur Don Mancini revient donc à une épouvante plus « old school » à l’occasion du sixième long-métrage de la série, quitte à convoquer quelques clichés du genre. La grande maison à étage, la nuit d’orage, le grenier empli de toiles d’araignées, la panne de courant, le téléphone coupé, les bruits derrière les rideaux sont autant de lieux communs au menu de La Malédiction de Chucky, dont le titre original – à l’instar de ceux des deux épisodes précédents – rend hommage à la saga Frankenstein (The Bride évoquait la période Universal, The Curse nous renvoie au temps de la Hammer). La musique de Jo Lo Duca se laisse inspirer par les classiques du genre, via son emploi des violons herrmanniens, des arpèges de piano lancinants et des boîtes à musique façon Goblin, tandis que Mancini calque certains de ses effets de style sur Alfred Hitchcock, en particulier à travers la mémorable séquence du dîner empoisonné.
Le film commence par la livraison mystérieuse d’une poupée « Brave Gars » chez la jeune Nica, clouée sur un fauteuil roulant, qui vit toujours dans la grande maison de sa mère. Or cette dernière meurt dans d’étranges circonstances le soir-même. Aussitôt débarquent la sœur de Nica, son beau-frère, sa nièce et une jeune baby-sitter. Au sein de cette famille dysfonctionnelle, les tensions et les rivalités affleurent bien vite à la surface. Le spectateur étant en terrain connu, la nature malfaisante de la poupée n’est jamais cachée, même si la mise en scène joue d’abord la carte de la discrétion : une main qui empoigne brièvement un objet, une silhouette qui court à l’arrière-plan, des pupilles qui se dilatent…
Dourif père et fille
Ce n’est qu’au milieu du métrage que Chucky fait son « coming out » véritable en reprenant la voix de Brad Dourif, toujours fidèle au poste. Le comédien semble d’ailleurs plus impliqué que jamais dans la saga. Il apparaît en effet à visage découvert (sous un maquillage rajeunissant) au cours d’un long flash-back révélant les événements survenus juste avant Jeu d’enfant, le design de la poupée semble même avoir été légèrement modifié pour lui ressembler davantage et sa propre fille Fiona Dourif joue ici le rôle principal. Construit sur une double unité de temps et de lieu, La Malédiction de Chucky ne recourt au gore que tardivement (un accident de voiture sanglant, des meurtres de plus en plus gratinés), s’appuie sur quelques scènes de suspense originales (la discussion vidéo via les ordinateurs portables), nous offre des plans très graphiques (le reflet du visage d’une victime de Chucky qui apparaît sur la lame de son couteau), complexifie en cours de route les relations entre ses protagonistes et exploite efficacement la vulnérabilité accrue de son personnage principal. Certes, le film ne sort pas totalement de la routine et retombe brièvement dans les excès autoparodiques au moment de son épilogue, mais après les outrances du Fils de Chucky, cette séquelle tardive nous réconcilie quelque peu avec la vilaine poupée aux yeux d’ange.
© Gilles Penso
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