Violée par quatre hommes, tabassée, laissée pour morte, une jeune femme panse ses blessures et se mue en ange exterminateur
I SPIT ON YOUR GRAVE / DAY OF THE WOMAN
1978 – USA
Réalisé par Meir Zarchi
Avec Camille Keaton, Eron Tabor, Richard Pace, Anthony Nichols, Gunter Kleemann, Alexis Magnotti, Terry Zarchi
THEMA TUEURS
Descendant contre-nature de Délivrance et de La Dernière maison sur la gauche, ce surprenant I Spit on your Grave est un film OVNI, d’une noirceur à la limite du soutenable, dont les intentions et la morale nous échappent quelque peu. Film voyeuriste et malsain pour pervers en tout genres ? Film d’horreur « survival » dans la droite lignée de Massacre à la tronçonneuse ? Drame psychologique dénonçant la violence à la manière des Chiens de paille ? Film féministe au ton revanchard (comme le laisserait entendre son autre titre connu, Day of the Woman) ? A vrai dire, la classification de I Spit on your Grave est des plus malaisées, mais la dernière option pourrait bien être la bonne, dans la mesure où Meir Zarki eut l’idée de ce film après avoir porté secours à la jeune victime d’un viol, à l’encontre d’une police désespérément inerte. « Beaucoup de gens considèrent que c’est un pur film d’exploitation qui se sert de la sexualité et de la violence comme outil de promotion », nous dit à ce propos la comédienne principale Camille Keaton. « Mais je pense que le film est beaucoup plus riche que ça. Plus les années passent, plus les femmes l’apprécient et comprennent qu’il ne se contente pas d’exploiter l’image de la femme mais au contraire de la renforcer. » (1)
Son infortunée héroïne est une romancière du nom de Jennifer Hill. Elle fuit la ville pour terminer calmement son dernier livre dans une charmante maison de campagne au bord de l’eau, en lisière d’une petite ville du Sud. Mais sa beauté ingénue finit par attirer l’attention d’un pompiste libidineux, de l’idiot du village et de deux bons à rien qui passent le plus clair de leur temps à jouer au couteau ou à faire des ronds dans l’eau avec leur barque à moteur. Un jour, poussés par leurs instincts les plus bestiaux, tous les quatre fondent sur elle comme des oiseaux de proie et la violent à tour de rôle, pendant trois quarts d’heure particulièrement éprouvants pour le spectateur. Humiliée, tabassée, laissée pour morte, Jennifer se remet douloureusement de la quadruple agression et panse une à une ses blessures. Une fois d’aplomb, elle ne prévient pas la police, pas plus qu’elle ne quitte les lieux. La seule chose qui l’anime désormais est la soif de vengeance. Muée en véritable ange exterminateur, elle attire donc chacun de ses agresseurs dans ses filets séducteurs et leur réserve un sort des moins enviables.
J'irai cracher sur vos tombes…
« Je crois que lorsque Meir Zarchi m’a choisie parmi les trois actrices finalistes qui avaient été sélectionnées pour jouer le rôle principal de I Spit on Your Grave, c’est parce qu’il a senti que j’étais capable d’incarner une victime qui se transforme en bourreau », raconte Camille Keaton. « Au début du film, mon personnage est simple, plutôt passif, jusqu’à ce que survienne l’agression. Ensuite, elle passe à l’action et se venge. J’ai toujours trouvé intéressante cette dualité entre la faiblesse et la force. » (2) Le scénario prend la forme d’une cinglante démonstration d’autodéfense réduite à sa plus simple expression. La mise en scène est à l’avenant, exempte d’effets de style, épaulée par des comédiens sobres et des dialogues épurés. Pour autant, Meir Zarchi n’opte pas pour une forme pseudo-documentaire, avec caméra portée, improvisations des comédiens et gros grain à l’image. Il assume au contraire pleinement le statut fictionné de son film, contrairement à La Dernière maison sur la gauche par exemple, qui puisait une grande partie de son impact sur son réalisme cru. I Spit on your Grave (sorti un temps en vidéo sous le titre Œil pour œil en France) est donc un film ô combien déroutant, l’un des plus marquants fleurons d’un sous-genre insolite et parfois douteux connu sous l’appellation de « rape and revenge ». Le slogan de l’époque ne reculait devant aucune démesure : « Cette femme vient de découper, hacher, écrabouiller et brûler cinq hommes jusqu’à les rendre méconnaissables… Mais aucun jury américain ne la condamnera ! » Pour l’anecdote, c’est Demi Moore qui prête son dos à la célèbre affiche du film.
(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en juin 2019
© Gilles Penso
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