Joe Dante évacue l'influence de Steven Spielberg pour réaliser la séquelle délirante de son plus grand succès
GREMLINS 2 : THE NEW BATCH
1990 – USA
Réalisé par Joe Dante
Avec Zach Calligan, Phoebe Cates, John Glover, Christopher Lee, Robert Prosky, Dick Miller, Robert Picardo, Haviland Morris
THEMA MUTATIONS
Ses Piranhas et Hurlements ayant été pris au piège du syndrome des suites ratées, Joe Dante accepta de réaliser lui-même la séquelle de Gremlins sous forme d’une parodie en totale roue libre. Presque suicidaire dans son approche autodestructrice volontairement « bête et méchante », la démarche se révèle pourtant beaucoup plus fidèle à l’état d’esprit du réalisateur que ne l’était le premier film, encore sous influence artistique de son producteur Steven Speilberg. De fait, Dante ne se prive jamais pour dire qu’il préfère Gremlins 2 à Gremlins. Sans doute parce que cette suite symbolise une liberté totale à laquelle il ne put jamais prétendre par le passé. Billy Pletzer et Kate Beringer (Zach Calligan et Phoebe Cates) ont quitté la petite ville de Kingston Falls pour New-York, où ils comptent bientôt se marier. Tous deux travaillent dans le building hyper-sophistiqué de Daniel Clamp (John Glover), un promoteur mégalomane. A la mort de son maître chinois, Gizmo s’échappe de la petite boutique de Chinatown avant sa destruction et se fait capturer par deux scientifiques qui travaillent au département recherche de l’immeuble de Clamp. Billy, qui se rend compte de la présence de son ami Mogwaï, le récupère discrètement, mais une succession de concours de circonstance entraîne à nouveau la terrible métamorphose. Bientôt, l’immeuble Clamp est envahi par une horde de Gremlins affamés.
Joe Dante se fait donc plaisir et s’amuse comme un fou. Gremlins 2 peut s’appréhender comme un véritable défouloir, un fourre-tout où le cinéaste multiplie les gags sous forme de clins d’œil (la silhouette de Batman occasionnée par le Gremlin volant, Christopher Lee qui porte la cosse de haricot de L’Invasion des profanateurs de sépulture, la version Gremlins du Fantôme de l’Opéra, les Mogwaïs jouant un remake du climax de King Kong, la reprise de la réplique « c’est sans danger ? » de Marathon Man), les références au film précédent (Kate qui s’apprête à nouveau à raconter un souvenir d’enfance sordide, le critique cinématographique qui incendie le film Gremlins), les gags liés directement au film (la pellicule qui brûle en cours de projection avant l’intervention de Hulk Hogan, remplacée pour la version vidéo par des parasites envahissant l’image et une interposition musclée de John Wayne). Mais derrière le délire ambiant, il n’est pas bien difficile de deviner la satire d’une société de consommation boursouflée par ses propres excès, ainsi qu’une salve irrévérencieuse à l’attention des grands studios prêts à tout pour capitaliser sur ce qui pourrait gonfler leur portefeuille. L’insolent Dante n’hésite jamais à mordre la main qui le nourrit.
Hommage à Ray Harryhausen
Il y a même de beaux hommages dans ce film, comme ce Gremlin chauve-souris animé comme une gargouille qui se serait échappée d’un film de Ray Harryhausen et qui attaque Dick Miller – l’éternel second couteau que Dante aura sollicité dans tous ses films jusqu’à son trépas en 2019. Quant à Chris Walas, talentueux concepteur des créatures du premier Gremlins, il cède ici le pas au génial Rick Baker, qui en profite pour relooker les petits monstres et les caractériser. Car si les mogwaïs et leurs alter-egos reptiliens étaient tous assez similaires dans le film précédent, ils adoptent ici des attributs morphologiques et des personnalités très distincts. Plutôt qu’un film traditionnel, Gremlins 2 ressemble presque à une succession de sketches liés entre eux par un minuscule scénario-prétexte, une sorte de « Muppet Show » revu et corrigé par Joe Dante, comme en témoigne ce démentiel « New York New York » final entonné par une horde de Gremlins surexcités. Cette suite n’aura évidemment pas le succès de son prédécesseur et fera grincer bien des dents chez Warner. Mais la seconde chance que lui offrira sa distribution en VHS le fera redécouvrir par un nouveau public l’ayant boudé en salle et lui permettra d’accéder au statut fort mérité de film culte.
© Gilles Penso
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