L'ère Pierce Brosnan s'inaugure avec ce James Bond tardif qui peine à rattraper le retard accumulé depuis Permis de tuer
GOLDENEYE
1995 – GB
Réalisé par Martin Campbell
Avec Pierce Brosnan, Sean Bean, Izabella Scorupco, Famke Janssen, Joe Don Baker, Judi Dench, Desmond Llewlyn
THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND
Six ans après Permis de tuer, MGM/UA et Eon trouvèrent enfin un accord juridique leur permettant de relancer la licence James Bond. Envisagé dans le rôle de l’agent 007 dès 1987, Pierce Brosnan accepta sans hésiter de donner à Bond son cinquième visage officiel. Cette fois-ci, l’agent secret a pour mission d’empêcher l’organisation criminelle Janus de s’emparer d’une arme secrète capable de brouiller tout dispositif électronique – avion, train, ordinateur, téléphone, etc. – dans un rayon de 100 kilomètres. Brosnan emprunte à Connery, Moore et Dalton plusieurs composantes de leur interprétation pour camper un James Bond moins brutal que le premier, plus sérieux que le second et moins réaliste que le troisième. Cet adoucissement n’est hélas pas loin de l’édulcoration. Certes Brosnan s’en tire grâce à son indéniable « gueule de l’emploi », mais il faudra attendre l’épisode suivant pour qu’il approfondisse sa version du personnage. A l’avenant, le film tout entier est un produit un peu hybride, qui s’efforce de renouer avec l’esprit de la série tout en s’inscrivant dans le cinéma d’action des années 90, dont les codes ont été redéfinis entre-temps par 58 minutes pour vivre, Speed et les suites de L’Arme fatale.
D’une manière générale, les séquences d’action de Goldeneye sont remarquablement menées, en particulier la poursuite en tank dans les rues de Saint-Petersbourg. Mais entre les passages mouvementés, le rythme se relâche souvent, un défaut que l’on pouvait déjà constater dans les œuvres précédentes de Martin Campbell (Détective Philip Lovecraft et Absolom 2022). Cela dit, soucieux de retourner aux sources, Goldeneye joue volontiers avec l’imagerie inscrite depuis le début des années 60 dans l’esprit du public : les filles en ombres chinoises qui se déhanchent pendant la chanson du générique (interprétée par une Tina Turner en très grande forme), Bond en smoking défiant une femme fatale dans le casino de Monte-Carlo, ou encore le retour de la fameuse Aston Martin de Goldfinger.
M change de sexe
Côté James Bond girls, Goldeneye manque en revanche de panache. Si Izabella Scorupco dégage un indéniable charme (voir sa prestation dans le Vertical Limit du même Martin Campbell), elle manque ici d’attrait, dans le rôle de l’informaticienne Natalya qui se jette dans les bras de Bond après avoir échappé à l’explosion d’une station de surveillance radar, d’un hélicoptère et d’une locomotive, rien que ça ! La redoutable Xenia interprétée par Famke Janssen a bien plus d’attrait. Telle un boa constrictor, elle s’avère capable d’étouffer les hommes entre ses cuisses. Ici, Moneypenny a pris les traits de la sympathique Samantha Bond (ça ne s’invente pas !) et M a changé de sexe, une idée excellente qui permet à sa charismatique interprète Judi Dench de lâcher quelques belles piques à Bond, n’hésitant pas à le qualifier de « sexiste, misogyne et dinosaure – une relique de la guerre froide. » Plein de bonnes intentions, bien qu’encombré de quelques fautes de goût dont la moindre ne fut pas de confier la partition à un Eric Serra fort mal inspiré, ce premier James Bond des années 90 marquait le retour hésitant d’un héros qui allait s’affiner deux ans plus tard.
© Gilles Penso
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