John Fawcett se sert de la lycanthropie comme métaphore de la puberté et des premiers émois sexuels…
GINGER SNAPS
2000 – USA / CANADA
Réalisé par John Fawcett
Avec Emily Perkins, Katharine Isabelle, Kris Lemche, Mimi Rogers, Jesse Moss, Danielle Hampton, John Bourgeois
THEMA LOUPS-GAROUS
Avec beaucoup d’audace, le scénario de Ginger Snaps associe le phénomène de la lycanthropie aux inquiétudes des premiers émois sexuels, en prenant pour héroïnes Ginger et Brigitte Fitzgerald, deux sœurs adolescentes mal dans leur peau, rejetées par leurs camarades lycéens, et dont les premières règles tardent désespérément à se manifester. En guise de distractions, elles simulent régulièrement leur propre mort, avec une préférence pour les mises en scène les plus spectaculaires et les plus sanglantes (on pense alors à l’excellent Harold et Maude d’Hal Ashby). Parallèlement, dans le coquet quartier résidentiel qu’elles habitent, un tueur de chiens sème une petite panique. S’agit-il d’un homme ou d’un animal ? Nul ne le sait… Jusqu’à ce que Brigitte et Ginger, en pleine promenade nocturne, soient agressées par le tueur, qui ressemble à une bête sauvage enragée. Malin, le réalisateur John Fawcett ne nous permet jamais de voir la créature distinctement, usant avec habileté d’un montage nerveux et de cadrages très serrés. Mordue par la bête, qui s’avère bien vite être un loup-garou, Ginger va subir une lente et pénible mutation.
Car dans Ginger Snaps, comme dans La Mouche de David Cronenberg, la lycanthropie se manifeste via une métamorphose très progressive, étalée sur plusieurs journées. Les poils abondent peu à peu, les griffes s’allongent, les dents se font plus acérées, les yeux brillent… A travers la vision féminine de sa scénariste Karen Walton, Ginger Snaps use de l’état de loup-garou comme une triple métaphore du début du cycle menstruel, de la perte de la virginité et des maladies vénériennes. Ainsi la lycanthropie est-elle ici sexuellement transmissible, ses premiers symptômes s’approchant d’ailleurs de ceux de la syphilis. Proche de Carrie, avec lequel il présente plusieurs similitudes, Ginger Snaps prolonge la hardiesse de Hurlements, qui se contentait la plupart du temps de suggérer le parallèle lycanthropie/sexualité, et ose traiter frontalement une thématique à côté de laquelle passait complètement le maladroit La Louve Sanguinaire.
Un point de vue féminin et adolescent
Toujours en quête de modernisation d’un mythe habituellement ancré dans la tradition, le film montre ses héroïnes tenter d’endiguer la malédiction à l’aide d’un piercing en argent, mais rien n’y fait, et Ginger atteint le stade ultime de sa métamorphose sous forme d’un monstre quadrupède qui évoque celui du Loup-Garou de Londres, le pelage en moins. Une fois de plus, le metteur en scène joue habilement de la lumière et du découpage, aidé par une magnifique photographie de Thom Best et par un storyboard de Vincenzo Natali, devenu célèbre en réalisant Cube. Finalement, Brigitte tentera de créer un antidote pour sa sœur en extrayant le produit de fleurs d’aconit, à l’aide d’un dealer qui fait ici figure de héros positif, inversant du même coup les valeurs établies du monde adulte, définitivement exclu de ce récit adolescent au dénouement triste et pathétique. Une séquelle et une préquelle succéderont quatre ans plus tard à cet excellent exercice de style, respectivement réalisées par Brett Sullivan (Ginger Snaps Unleashed) et Grant Harvey (Ginger Snaps Back : the Beginning).
© Gilles Penso
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