Un remake américain de [REC] dont l'inutilité devient presque fascinante, malgré tout le bien que nous pensons de Jennifer Carpenter
S’il y avait un concours du remake le plus inutile de l’histoire du cinéma, En Quarantaine aurait toutes ses chances, faisant presque passer le Psycho de Gus Van Sant pour un modèle d’inventivité ! Initié avant même que [Rec] ne sorte sur les écrans américains, confié à un réalisateur habitué aux tournages vidéo, En Quarantaine est le prototype du produit de consommation pur évacuant toute initiative artistique au profit d’une méthode d’écriture qu’on pourrait qualifier de « photocopie scénaristique ». Car le script initial n’est même pas adapté aux sensibilités américaines, voire relocalisé pour mieux coller à la réalité sociale des Etats-Unis. Il s’agit d’une simple traduction de l’espagnol à l’anglais. Même le nom de l’héroïne, Angela Vidal, a été conservé tel quel. En ce sens, nous ne sommes pas loin de ces films des années 30, tels Dracula ou L’Atlantide, qui étaient tournés simultanément en plusieurs langues, avec des acteurs différents mais dans les mêmes décors, afin d’éviter les problèmes de post-synchronisation. « Screen Gem a racheté les droits de notre film pour en faire une version américaine », explique Jaume Balaguero. « Nous avons été invités à visiter le plateau de tournage, et nous en avons retiré une étrange sensation. En fait, ils se sont efforcés d’être extrêmement fidèles à notre film, reproduisant à l’identique les décors, la lumière, les mouvements de caméra. Du coup, plus aucune place ne semble être laissée à la spontanéité » (1).
Les spectateurs familiers du film de Jaume Balaguero et Paco Plaza connaissent déjà l’histoire d’En Quarantaine. La journaliste Angela, accompagnée par son caméraman Scott, suit une équipe de pompiers de Los Angeles pour les besoins d’une émission télévisée. Au milieu de la nuit, un appel de détresse les conduit dans un immeuble où ils découvrent une vieille femme couverte de sang. C’est le début d’un huis clos oppressant au cours duquel un mystérieux agent de contamination transforme peu à peu tous les habitants de l’immeuble en zombies assoiffés de chair humaine… Malgré tout le bien que l’on peut penser de Jennifer Carpenter (héroïne attachante de L’Exorcisme d’Emily Rose et de la série Dexter), ses efforts pour reproduire au millimètre près toutes les mimiques de Manuela Velasco, interprète du [Rec] original, laissent perplexe.
Comment imiter la spontanéité ?
Tout comme les mouvements de caméra du cadreur qui s’échinent à imiter jusqu’à l’aliénation ceux du cadreur précédent. Lorsqu’on sait que les mots d’ordre de [Rec] étaient l’improvisation et la spontanéité, on ne peut qu’être mitigé face à cette vaste entreprise de reconstitution à grande échelle. Même l’immeuble barcelonais initial, filmé à l’origine dans un site réel, a été reconstruit à l’identique en studio, parachevant l’absurdité de ce projet décidément douteux typique du protectionnisme culturel américain. Jaume Balaguero et Paco Plazza s’en lavent d’ailleurs les mains. « A vrai dire, ce remake ne nous concerne aucunement, nous déclinons toute responsabilité ! », avoue Balaguero avec un demi-sourire. « Ils peuvent bien faire ce qu’ils veulent, c’est l’original qui nous intéresse. » (2)
(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2008.
© Gilles Penso
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