Deux ans après le succès de La Fièvre du samedi soir, John Badham signait l'une des plus belles adaptations du roman de Bram Stoker
En 1977, John Badham triomphait grâce au succès planétaire de La Fièvre du samedi soir. Avec son second long-métrage (le premier portait le titre prémonitoire Bingo), ce vétéran de la télévision américaine collectait ainsi près de 240 millions de dollars de recettes et propulsait sa carrière cinématographique. Mais était-ce pour autant le réalisateur idéal pour une nouvelle adaptation du roman de Bram Stoker ? Les détracteurs de John Travolta et des boules à facettes pouvaient légitimement émettre des doutes, mais la magistrale réussite de ce nouveau Dracula tourné en Angleterre a tôt fait de faire taire les inquiets. Tous les choix artistiques de Badham sont en effet de premier ordre : un retour fidèle au texte initial mais aussi à la pièce de Hamilton Deane et John Balderston qui inspira Tod Browning en 1931, une partition envoûtante confiée à John Williams, des effets spéciaux haut de gamme signés Roy Arbogast et Albert Whitlock, et surtout un casting exceptionnel. Dans le rôle-titre, Frank Langella est tout simplement époustouflant. Il faut dire que ce fringuant quadragénaire au regard noir et au charme étrange faisait déjà des merveilles sur les planches dans le rôle du comte vampire. Sans la rondeur blafarde de Bela Lugosi ni les dents acérées de Christopher Lee, Langella campe le plus humain des Dracula, et si son look évoque quelque peu les années disco (la chemise grande ouverte, la coupe de cheveux seventies), l’atemporalité et l’universalité du film n’en pâtissent absolument pas.
Aux côtés de Langella, Laurence Olivier et Donald Pleasence crèvent l’écran, comme à leur habitude, incarnant respectivement Abraham Van Helsing et le docteur Seward. En rédigeant le script avec W.D. Richter (auteur du formidable remake de L’Invasion des profanateurs de sépultures et futur réalisateur du délirant Les Aventures de Buckaroo Banzai dans la 8ème dimension), John Badham s’est efforcé de concilier épouvante, humour et érotisme, et force est de constater qu’il y est parvenu, réalisant tout simplement l’un des meilleurs Dracula jamais portés à l’écran – et aussi accessoirement son meilleur film, malgré toute la sympathie que l’on peut éprouver pour Tonnerre de feu, War Games ou Etroite surveillance.
Un vampire insaisissable
Le scénario décrit les actes de séduction vampiriques du comte, s’éprenant de Lucy Seward (Kate Nelligan) et tuant sous sa morsure Mina Van Helsing (Jan Francis). Le père de celle-ci, accompagné du docteur Seward et de Jonathan Harker, fiancé de Lucy, sont dès lors farouchement déterminés à éliminer le monstre. Mais ce dernier s’avère insaisissable, d’autant qu’il a l’étonnante capacité de se transformer en animal la nuit venue. Le climax, qui décrit l’inévitable mise à mort de Dracula, s’avère aussi baroque que ceux du Cauchemar de Dracula et des Maîtresses de Dracula, ce qui n’est pas peu dire ! Le suceur de sang y est hissé par un crochet au mât d’un navire et se décompose bientôt à la lueur brûlante du soleil, provoquant un élan d’empathie inattendu de la part du public. Frank Langella se fera ensuite plus discret (malgré son rôle improbable de Skeletor dans Les Maîtres de l’univers !), ce qui ne l’empêchera pas d’incarner toutes sortes de seconds rôles savoureux à travers des œuvres aussi variées que 1492, La Neuvième porte ou Superman Returns.
© Gilles Penso
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