Hughes et Sandra Martin transportent les démons antiques de la mythologie arabe en pleine guerre d'Algérie
DJINNS
2010 – FRANCE
Réalisé par Hughes et Sandra Martin
Avec Grégoire Leprince-Ringuet, Thierry Frémont, Aurélien Wiik, Saïd Taghmaoui, Stéphane Debac, Cyril Raffaelli
THEMA DIABLE ET DEMONS
Mêler un argument purement fantastique, issu de l’imagerie colorée des contes des Mille et Une Nuits, à un contexte historique rigoureusement tangible, en l’occurrence la guerre d’Algérie : tel est le pari audacieux de Djinns, premier long-métrage d’Hugues et Sandra Martin. Nous sommes dans le désert algérien, en 1960. Une section de paras français a pour mission de retrouver un avion écrasé quelque part au milieu des dunes. Après quelques kilomètres d’errances dans le désert, l’épave est localisée et, comme on pouvait le craindre, n’abrite plus aucun survivant. En revanche, une mallette estampillée « Secret Défense » y est dénichée au milieu des cadavres desséchés. Soudain assaillie par un groupe de snipers locaux, l’escouade bat en retraite et trouve refuge dans une petite ville isolée et en partie abandonnée. La Gardienne des lieux tient à mettre en garde les nouveaux arrivants, mais c’est trop tard : ils ont réveillé les Djinns, redoutables esprits du désert…
L’une des premières qualités de Djinns est son casting, mixant habilement les chouchous du cinéma d’auteur français aux spécialistes de l’action musclée, les « petits jeunes » aux vétérans. Ainsi Grégoire Leprince-Ringuet, Cyril Raffaelli, Thierry Frémont, Aurélien Wiik ou Saïd Taghmaoui partagent-ils sans heurt l’affiche du film en un cocktail plutôt harmonieux. L’autre atout majeur du film est le soin apporté à sa mise en forme, tant du point de vue de l’atmosphère (décors, photographie, musique, ambiance générale) que de la mise en scène (la séquence tournée en 8 mm devant l’épave de l’avion et la fusillade qui lui succèdent sont deux moments forts du métrage, alternant sans préavis la légèreté et l’hypertension). Les intentions sont donc louables, mais l’intérêt finit par décroître dans la mesure où le sujet même du film finit par manquer cruellement d’intelligibilité.
La mauvaise conscience
Certes, l’idée d’un démon ancestral symbolisant la mauvaise conscience des soldats français enlisés dans un conflit absurde était excellente, et l’on s’étonne d’ailleurs que le cinéma américain ne l’ait pas plus tôt utilisée dans le contexte de la guerre du Vietnam. Mais toute la portée métaphorique du concept s’évapore face au laxisme caractérisant l’utilisation de l’élément fantastique. Car les créatures qui rampent sournoisement autour des protagonistes sans jamais interagir avec eux, le temps de deux ou trois séquences furtives, n’ont finalement pas beaucoup plus d’incidence scénaristique que le ridicule fantôme voltigeant autour de Sophie Marceau et Frédéric Diefenthal dans le triste Belphegor de Jean-Paul Salomé. D’autres carences, moins rédhibitoires, handicapent Djinns, notamment une certaine monotonie dans les péripéties du troisième acte, ainsi que le sérieux manque de consistance du « chef de commando » incarné par Saïd Taghmaoui. Voilà donc un projet qui démarre fort pour s’achever un peu chaotiquement, malgré de grandes ambitions (la séquence du cauchemar post-apocalyptique ou celle de l’attaque des scorpion sont assez frappantes) et une chute assez savoureuse. Le manque de moyens des jeunes réalisateurs et les nombreuses concessions auxquelles ils durent se plier expliquent probablement certaines déficiences qui s’atténueront peur-être à l’occasion d’un éventuel « director’s cut ».
© Gilles Penso
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