Un mélange des genres audacieux qui lance aux trousses de quatre amis partis sillonner les routes une secte d'adorateurs du diable
RACE WITH THE DEVIL
1975 – USA
Réalisé par Jack Starrett
Avec Peter Fonda, Warren Oates, Loretta Swit, Lara Parker, R.G. Armstrong, Clay Tanner, Carol Blodgett, Phil Hoover
THEMA DIABLE ET DEMONS
Ancien cascadeur devenu acteur (Galt dans le premier Rambo, c’est lui !) et réalisateur, Jack Starrett s’est distingué dans ce registre avec notamment Cleopatra Jones (un des fleurons de la Blaxploitation), mais aussi et surtout dans le film d’action avec A small town in Texas et cette fameuse Course contre l’enfer. Le film s’est construit un statut culte au fil du temps chez les connaisseurs de bis. Nous sommes en 1975, L’Exorciste a connu un succès historique et placé la diablerie sur le devant de la scène. Starrett entend bien profiter de ce filon (le scénario est signé par deux malins formés à l’école Corman, Lee Frost et Wes Bishop), et nous met dès le départ dans l’ambiance avec un générique angoissant porté par la partition ad hoc de Leonard Rosenman, qui convoque sans détours clavecins et chœurs sataniques. Deux couples d’amis partent sillonner les routes de l’Amérique profonde dans leur camping-car flambant neuf. Un soir, ils assistent par hasard à un rite macabre qui finit par le sacrifice d’une jeune fille. Repéré par la secte fanatique coupable du meurtre, ils vont devoir fuir pour survivre…
Toute la force du film est d’avoir su oser le mélange et la citation intelligente. Le casting, tout d’abord : les héros masculins sont campés par deux icônes du genre, Peter Fonda (Easy Rider, Larry le dingue, Mary la Garce) et Warren Oates, un des acteurs fétiches de Peckinpah. L’ombre de ce dernier plane au-dessus du métrage dans ses accès de violence chorégraphiés et la détermination désespérée de ses protagonistes, et Starrett se permet même de préfigurer l’excellent Convoi de Bloody Sam à grand renfort de spectaculaires cascades routières. Le voyage initiatique de la figure consumériste de Oates pensant à tort triompher de la nature, de la masse et de l’inconnu (il vante longuement les mérites de son véhicule et de l’individualisme à son comparse) rappelle forcément celui de Délivrance. Quant au personnage de Fonda, hippie sur le retour rechignant au combat mais devant y céder par force face à une culture différente, il prend à la fois sa source dans Les Chiens de paille et Massacre à la tronçonneuse (Paul A.Partain, le Franklin du chef-d’œuvre de Tobe Hooper, fait d’ailleurs une brève apparition ici pour mieux boucler la boucle).
Un road movie paranoïaque
L’atmosphère paranoïaque et complotiste s’immisçant doucement pour finir par embrasser le film tout entier évoque tout aussi bien le Polanski de Rosemary’s Baby (la séquence de la piscine avec son défilé de vieux faciès inquiétants) que L’invasion des profanateurs de sépulture (ici, on ne peut se fier à personne). Mais la réussite indéniable de l’entreprise (malgré une légère longueur avant de rentrer dans le vif du sujet et une facture parfois un poil télévisuelle) ne tient pas que dans la savante utilisation de ses prestigieuses références. Pour preuve, l’influence exercée par ce petit classique instantané sur de nombreux collègues : la séquence à moto du début servira clairement de modèle pour La Colline a des yeux 2 de Wes Craven, les grandes lignes de l’histoire et l’attaque des serpents seront reprises dans le mythique épisode de Starsky & Hutch, « Sorcellerie » (et son traumatisant « Gloire à Satan ! »), et Kevin Smith le citera comme inspiration pour Red State. D’une efficacité et d’une concision exemplaires, Course contre l’enfer trouve son apothéose dans un épilogue tétanisant et pessimiste qui donne encore le frisson aujourd’hui (Starrett confiera d’ailleurs que la plupart des fanatiques du film étaient incarnés par d’authentiques membres d’une secte satanique !). Un remake fut mis en chantier en 2005, sans suite heureusement, car l’époque où un bon faiseur pouvait transcender une simple bande d’exploitation référencée pour livrer une œuvre généreuse dénuée de cynisme ou d’autodérision paraît tristement révolue.
© Julien Cassarino
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