BLADE RUNNER (1982)

Ridley Scott adapte un célèbre roman de Philip K. Dick et signe une œuvre phare qui servira de référence à plusieurs générations de cinéastes

BLADE RUNNER

1982 – USA

Réalisé par Ridley Scott

Avec Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, Edward James Olmos, M. Emmet Walsh, Daryl Hannah, William Sanderson

THEMA FUTUR I ROBOTS

Œuvre emblématique de la littérature de science-fiction, « Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? » permit à Philip K. Dick de marcher sur les traces d’Isaac Asimov en s’interrogeant sur l’âme et l’empathie des robots créés par l’homme. Passionnant de bout en bout, le roman n’en est pas moins austère et complexe, ce qui ne rebuta pourtant guère Ridley Scott, rasséréné par le succès de sa première incursion dans le genre, le légendaire Alien. Son adaptation restructure et redynamise le récit, sans en évacuer les questionnements métaphysiques. Nous sommes en 2019. La cité foisonnante de Los Angeles est sans cesse survolée par la police. Des « répliquants », androïdes hyper-sophistiqués, ont détourné un vaisseau pour se cacher dans la ville. Seul l’ex-flic Deckard (Harrison Ford) peut les repérer. On le déniche dans une gargote des bas quartiers pour l’amener auprès de Tyrell (Joe Turkel), le père scientifique des répliquants. Il est accueilli par une superbe créature, Rachel (Sean Young), que Tyrell lui demande de surveiller de près. Mais dans ce monde futuriste où les apparences sont trompeuses, sa mission a-t-elle une chance d’aboutir ? D’autant que le charme de Rachel ne le laisse pas indifférent…

Pour imaginer le Los Angeles de 2019, Ridley Scott (qui citera souvent Blade Runner comme « son film le plus complexe et le plus personnel ») reprend les grandes lignes futuristes de Metropolis pour les adapter à sa propre vision. Sa mégalopole grouillante, battue par une pluie incessante, obscurcie par une nuit permanente et tapissée de messages publicitaires interactifs, s’avère incroyablement réaliste. Le futur décrit par Blade Runner est sans conteste l’un des plus réalistes jamais portés à l’écran, et l’on ne compte plus les films d’anticipation qui en ont subi l’influence, de Batman à Dark City en passant par The CrowLe Cinquième élément, La Menace fantôme ou Minority Report. Aux innombrables trouvailles de l’équipe du superviseur des effets visuels Douglas Trumbull s’ajoute une extraordinaire direction artistique de David Snyder. Certaines maquettes recyclées de L’Empire contre-attaque (le Faucon Millenium), de Dark Star (le vaisseau des héros) et de Rencontres du troisième type (la soucoupe volante en forme de saucière) sont disséminées dans les vastes panoramas de la ville, mais même les yeux les plus attentifs auront bien du mal à les repérer. Comme pour Alien, mais à une plus grande échelle, les éléments science-fictionnels sont filmés avec un tel naturel qu’ils s’intègrent sans heurt dans un contexte rapidement banalisé et accepté par le spectateur.

Les codes du film noir transposés dans le futur

« Il faut savoir que Ridley Scott est un homme dont la créativité est incessante », nous racontait Wesley Sewell, qui collabora aux effets visuels de nombre de ses films. « Il est tout le temps en train d’essayer des choses, de chercher des idées et des possibilités. Ainsi ne cesse-t-il de dessiner de nouveaux plans tous les jours. C’est un excellent graphiste, et à la fin des tournages ses storyboards commencent à ressembler à de véritables œuvres d’art. Il faut dire qu’il possède lui-même de nombreuses œuvres picturales d’artistes variés qu’il utilise en guise d’inspiration et de référence » (1). Au-delà de son contexte futuriste, Blade Runner est aussi et surtout un polar dans la pure règle de l’art. Harrison Ford (à contre-emploi total si on le compare à ses deux rôles vedettes précédents, Han Solo et Indiana Jones) est le portrait typique du privé minable, et la magnifique Sean Young répond exactement aux critères des femmes fatales dont tombent amoureux ces archétypes du film noir. A leurs côtés, Rutger Hauer et Daryl Hannah excellent en robots terrifiants d’humanité et de candeur. La lutte désespérée des androïdes pour survivre – alors que le « héros » a pour mission de les abattre – pose en substance la question du bien et du mal. Une question qui reste bien sûr sans réponse, au mépris d’un manichéisme pourtant fréquent en tel contexte. Mort avant que Blade Runner ne soit achevé, Philip K. Dick aura cependant eu la joie de découvrir une bobine d’essai d’une quarantaine de minutes exhibant les plus beaux effets spéciaux du film, qui lui sera dédié.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2005 

 

© Gilles Penso

 

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