BEETLEJUICE (1988)

Une fois n'est pas coutume, Tim Burton nous raconte une histoire de maison hantée en adoptant le point de vue des fantômes

BEETLEJUICE

1988 – USA

Réalisé par Tim Burton

Avec Alec Baldwin, Geena Davis, Michael Keaton, Jeffrey Jones, Winona Ryder, Catherine O’Hara, Glenn Shadix

THEMA FANTÔMES I SAGA TIM BURTON

Bien qu’il traite d’un sujet familier, celui de la maison hantée, Beetlejuice ne ressemble à rien de connu. Adam et Barbara Maitland (Alec Baldwin et Geena Davis, pas encore têtes d’affiche à l’époque), jeunes mariés qui habitent une pittoresque maison au cœur du Connecticut, meurent dès le début du film dans un accident de voiture, en évitant un chien sur la route. Devenus fantômes, ils voient avec horreur leur maison envahie par les Deetz, une riche et bruyante famille new-yorkaise. A l’instar du « Fantôme inexpérimenté » imaginé par H.G. Wells, qui ne sait pas comment hanter une maison, les Maitland tentent en vain de chasser leurs envahisseurs. Ils demandent conseil à une vieille femme bien placée dans la hiérarchie de l’au-delà. Mises en pratique, les recettes destinées à se débarrasser des intrus échouent lamentablement. Ultime recours : l’exorciste hystérique Betelgeuse, alias Michael Keaton rendu méconnaissable sous un savant maquillage de Robert Short.

Une fois n’est pas coutume, le point de vue adopté est ici celui des fantômes. Nous n’avons donc pas affaire à une chasse aux fantômes mais bel et bien à une chasse aux humains, qui représentent les véritables intrus du film. Tim Burton a une vision très personnelle de la mort. Pour lui, l’au-delà est une administration kafkaïenne et multicolore où les trépassés, dans l’état où ils ont quitté la vie (un plongeur avec un requin en train de le dévorer, un explorateur à la tête réduite, une femme coupée en deux, un homme brûlé des pieds à la tête), attendent leur tour, un ticket à la main. Quant à la tâche ingrate des fonctionnaires, elle échoit aux suicidés. A ces géniales trouvailles scénaristiques se greffe une multitude d’idées visuelles concrétisées par des effets spéciaux parfois maladroits mais inventifs et pleins de charme. Leur supervision fut confiée à Alan Munro, ancien dessinateur de storyboards qui tomba d’accord avec le réalisateur sur l’emploi de techniques le plus souvent artisanales. L’animation image par image y occupe une place de choix, ce qui semble logique étant donnés l’attrait de Tim Burton pour ce mode d’expression, comme en témoigne son premier court-métrage Vincent.

L'au-delà selon Burton

Les spectateurs ébahis découvrent ainsi une rampe d’escalier se muant en serpent géant, des vers des sables titanesques (émules de ceux de Dune) rampant autour de la maison des Maitland ou encore des sculptures hideuses qui prennent soudain vie. « Tim Burton a essayé de retrouver l’esprit d’un dessin animé en réalisant Beetlejuice, et on peut dire qu’il a réussi son coup ! » (1), déclare à ce propos Doug Beswick, responsable des séquences d’animation Le délire bat donc son plein tout au long du film (au cours d’une séquence mythique, les habitants, hantés par les fantômes, chantent soudain le « Day O » de Harry Belafonte en plein repas) et la musique de Danny Elfman rythme l’ensemble de manière trépidante, imposant les gimmicks incontournables qui feront sa réputation (violon galopant, piano en contrepoint, chœurs enjoués). Même si la dernière partie du film se laisse aller à une surenchère un peu excessive, Beetlejuice demeure l’une des œuvres maîtresses de Tim Burton, l’un de ses films les plus populaires et les plus appréciés.

 

(1) propos recueillis par votre serviteur en avril 1998

 

© Gilles Penso

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