AU CŒUR DE LA NUIT (1945)

Le mètre étalon britannique de tous les films à sketches fantastiques, réalisé par quatre cinéastes prestigieux

DEAD OF NIGHT

1945 – GB

Réalisé par Alberto Cavalcanti, Basil Dearden, Robert Hamer, Charles Crichton

Avec Mervyn Johns, Michael Redgrave, Naunton Wayne, Basil Radford, Roland Culver, Anthony Berger, Georgie Withers

THEMA MORT I FANTÔMES I JOUETS

Certes, Au Cœur de la nuit n’est pas le premier film d’épouvante à sketches, mais il marqua tant le public du milieu des années 40 qu’il se mua quasiment en mètre étalon du genre. Chacun des segments est ici réalisé par un metteur en scène différent, à la sensibilité et au style bien particuliers, sans pour autant que l’unité de l’œuvre ne s’en trouve altérée. Le fil conducteur lui-même est un récit à part entière, riche en surprises et en rebondissements. Convié pour le week-end dans la résidence secondaire d’un client potentiel, l’architecte Walter Graig (Mervyn Johns) éprouve une sensation de malaise lorsqu’on lui présente les autres invités. Il est persuadé d’avoir déjà rêvé de cette situation et de ces personnages. Sont-ils tous le fruit de son imagination ? A-t-il eu des visions prémonitoires ? A moins que la psychanalyse ne puisse expliquer tout ça, comme le pense le docteur Van Straaten (Frederick Valk). Chacun, inspiré par le sentiment étrange de Craig, raconte alors une anecdote illustrant un phénomène d’apparence surnaturelle.

Dans le premier sketch, le coureur automobile Hugh Grainger (Antony Baird) échappe de peu à la mort, mais celle-ci vient réclamer son dû lorsqu’il est à l’hôpital, apparaissant sous forme d’un croque-mort d’un autre âge. Le second récit est raconté par la jeune Sally O’Hara (Sally Ann Howes), qui fut confrontée dans le grenier d’une grande demeure au fantôme d’un petit garçon assassiné par sa sœur aînée. Ces deux premiers sketches fonctionnent déjà à merveille, mais ils empruntent des terrains déjà balisés, souffrant quelque peu d’une brièveté empêchant de s’attacher réellement aux personnages. Ces carences sont réparées par le troisième récit, plus long et plus original. Joan Cortland (Googie Withers) offre à son fiancé Peter (Ralph Michael) un miroir du 19ème siècle trouvé chez un brocanteur. Mais quand il le regarde, Peter découvre un décor inconnu derrière lui. Peu à peu, il se laisse subjuguer par ce miroir puis posséder par son ancien possesseur, qui tua sa femme et se donna la mort.

La marionnette vivante

Dans le quatrième sketch, inspiré d’un texte d’H.G. Wells et volontiers loufoque, deux joueurs de golf, Parrat (Basil Radford) et Potter (Naunton Wayne), tombent amoureux de la même jeune femme, Mary (Peggy Bryan). Celle-ci ne parvenant pas à se décider, ils optent pour un match les départageant. Parrat gagne et Potter se laisse couler dans le lac voisin. Mais il revient sous forme de fantôme pour accuser son ami d’avoir triché. L’ultime sketch est probablement le plus marquant et le plus connu des cinq, mettant en scène Michael Redgrave, proprement habité dans le rôle du ventriloque Maxwell Frere. Victime de schizophrénie, l’artiste  est persuadé que sa poupée Hugo veut le remplacer par un de ses confrères. Et si le pantin était vraiment animé d’une vie propre ? Au Cœur de la nuit restera dans les mémoires comme une œuvre fantastique d’une grande élégance, utilisant les effets spéciaux avec parcimonie (quelques jolies maquettes pour un accident d’autobus, des double expositions pour les apparitions du fantôme) pour mieux faire travailler l’imagination du public.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article