Au lieu de prendre la suite de la trilogie de Sam Raimi, le studio Sony fait le choix étrange d'un reboot qui souffre fatalement de la comparaison avec les opus précédents
THE AMAZING SPIDER-MAN
2012 – USA
Réalisé par Marc Webb
Avec Andrew Garfield, Emma Stone, Rhys Ifans, Denis Leary, Martin Sheen, Sally Field, Irfan Khan, Campbell Scott
THEMA SUPER-HÉROS I ARAIGNÉES I REPTILES I SAGA SPIDER-MAN I MARVEL
Après le semi-échec artistique de Spider-Man 3, Sam Raimi n’avait pu mettre sur pied un quatrième épisode suffisamment convaincant. Son départ de la saga entraîna celui de son casting et le désarroi bien compréhensible des dirigeants de Marvel et Sony. Evidemment, il n’était pas question de tuer la poule aux œufs d’or. Les deux studios optèrent donc pour une remise des compteurs à zéro : un nouveau réalisateur, de nouveaux comédiens et une nouvelle histoire racontant sous un angle différent les origines du super-héros. Dix ans à peine après le premier Spider-Man, l’idée d’un « reboot » pouvait sembler incongrue. Et force est de reconnaître que face au résultat à l’écran, l’incongruité demeure. Première bizarrerie : choisir comme point de départ narratif le mystère de la disparition des parents de Peter Parker. Quand on sait que ces deux personnages n’apparaissaient que tardivement dans la bande dessinée, à l’occasion d’un épisode spécial très anecdotique où ils étaient dépeints comme des espions fort peu crédibles, on s’interroge sur la pertinence d’un tel choix. Soucieux de se démarquer du travail de Sam Raimi et de ses scénaristes, The Amazing Spider-Man s’efforce de tisser artificiellement des liens entre chaque protagoniste du drame, comme si tous les destins étaient déjà écrits à l’avance. Figure centrale de cette intrigue à tiroirs, le professeur Curt Connors est à la fois l’ancien collègue des parents Parker, le mentor de la petite amie de Peter, le co-créateur des araignées génétiquement modifiées qui donneront naissance à Spider-Man et le grand méchant du film, sous forme d’un redoutable homme-lézard.
Le hasard n’a plus cours dans ce récit déterministe qui semble contradictoire avec l’axiome cher au héros : « De grands pouvoirs entraînent de grandes responsabilités ». La question du choix – moteur des conflits internes du personnage tel qu’il fut imaginé par Stan Lee et Steve Ditko – ne se pose plus vraiment, au grand dam de la dramaturgie. D’un point de vue strictement artistique, les parti pris de Marc Webb et son équipe sont tout aussi discutables. Le superbe costume conçu en 2002 par James Acheson cède ici le pas à une sorte de combinaison de surfer en spandex couverte d’écailles, le lézard crocodilien du comics original prend les allures d’un mutant au faciès aplati du plus curieux effet, et la bande originale paresseuse de James Horner fait office de remplissage sonore sans jamais nous offrir une once de lyrisme, d’émotion ou d’énergie.
Tout est-il écrit à l'avance ?
Certes, The Amazing Spider-Man comporte de nombreux atouts qui le rendent souvent attachant. Ses comédiens débordent de fraîcheur et de naturel (mention spéciale à Andrew Garfield et Martin Sheen), ses séquences de voltige jouent la carte du vertige et de l’effort physique (avec des vues subjectives très immersives), son usage de la 3D s’avère joyeusement récréatif (la toile fuse en tous sens) et quelques idées de mise en scène emportent instantanément l’adhésion (la brève intervention de Stan Lee est hilarante). Mais cette réinitialisation du mythe pâlit sans cesse de la comparaison avec la trilogie de Sam Raimi, dont la personnalité, le style et le grain de folie font ici cruellement défaut.
© Gilles Penso
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