SŒURS DE SANG (1972)

Avec ce thriller horrifique aux répercussions psychanalytiques, Brian de Palma affirme son style et son univers

SISTERS

1972 – USA

Réalisé par Brian de Palma

Avec Margot Kidder, Jennifer Salt, Charles Durning, William Finley, Lisle Wilson, Barnard Hughes

THEMA DOUBLES I TUEURS

Cinq ans avant d’interpréter la fiancée de Superman, Margot Kidder s’illustrait avec talent dans ce drame horrifique marquant les débuts de Brian de Palma dans le double domaine du thriller et du fantastique. Sœurs de sang affirme aussi pour la première fois ses récurrentes influences hitchcockiennes, renforcées par le choix d’une partition de Bernard Herrmann. Dans la peau de Danielle Breton, une mannequin québécoise fraîchement installée à Staten Island qui fait la connaissance du sympathique Philip dans un jeu télévisé et se laisse séduire par lui, Margot Kidder est délicieuse. Son accent français est craquant et tout s’amorce comme une gentille comédie romantique new-yorkaise. Mais la musique tourmentée d’Herrmann annonce un drame imminent, et la vilaine cicatrice qui couture la jolie hanche de Danielle provoque un étrange sentiment chez le spectateur, cocktail inattendu de séduction et de répulsion.

Le véritable ton de Sœurs de sang est donné, et tout est en place pour la séquence d’anthologie, figure de style que De Palma inaugure ici avec maestria. Il s’agit d’un meurtre extrêmement brutal, auquel assiste depuis sa fenêtre la journaliste Grace Collier (Jennifer Salt), et que la mise en scène visualise à travers un usage très audacieux du split-screen. Les actions habituellement parallèles sont du coup simultanées et les effets du suspense en sont accrus. Ce procédé narratif, que De Palma emprunte notamment à Richard Fleischer, ne cessera de s’affiner au fil de ses films ultérieurs. A ce stade de l’intrigue, le spectateur est déjà sérieusement secoué, et nous ne sommes pourtant qu’à une demi-heure de métrage ! Bientôt, tout porte à croire que l’assassin est Dominique Breton, la sœur jumelle de Danielle, jalouse et volontiers encline aux actes de violence. Mais les choses ne sont pas si simple, et une vérité fort inquiétante se cache sous les apparences…

L'influence déterminante d'Hitchcock

Le cinéphile n’a aucun mal à constater à quel point la structure de Psychose se calque fidèlement sur celle de Sœur de sang. La scène du nettoyage du meurtre par Emil Breton (William Finley), l’ex-mari de Danielle, rappelle d’ailleurs fortement celle qui mettait en scène Anthony Perkins treize ans plus tôt, et l’enquête de Grace Collier évoque celle que menait jadis Vera Miles. Fenêtre sur cour (l’espionnage aux jumelles des voisins suspects), La Corde (le cadavre caché au milieu de l’appartement) et La Maison du Dr Edwards (l’approche surréaliste du traitement psychiatrique) viennent aussi à l’esprit. Mais De Palma n’en perd pas pour autant sa personnalité, Hitchcock fonctionnant chez lui moins comme un modèle à imiter que comme une sorte de révélateur lui permettant d’affirmer son propre style. De fait la dernière partie du film emprunte des chemins bien moins balisés. Venu de la comédie (l’un de ses premiers films, Le Mariage, était un hommage au splastick mettant en scène un Robert de Niro débutant), le cinéaste soigne particulièrement ses personnages, et les relations conflictuelles qu’entretient la jeune journaliste avec sa mère ou avec son détective privé sont particulièrement savoureuses. Ainsi Sœurs de sang marque-t-il le coup d’envoi d’une carrière inégale mais passionnante.

 

© Gilles Penso

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