LE CABINET DU DOCTEUR CALIGARI (1920)

Le directeur d'un hôpital psychiatrique organise des meurtres qu'il fait commettre à l'un de ses patients somnambules

DAS KABINETT DES DOKTOR CALIGARI

1920 – ALLEMAGNE

Réalisé par Robert Viene

Avec Conrad Veidt, Werner Krauss, Friedrich Feher, Lil Dagover, Hans Heinz Von Twardowki, Rudolf Lettinger

THEMA MEDECINE EN FOLIE

Œuvre phare de l’expressionnisme cinématographique allemand, film quasi-expérimental, Le Cabinet du docteur Caligari se distingue par ses décors biscornus, peints et extravagants, ainsi que par son ambiance inquiétante et onirique. Son accueil fut des plus mitigés en 1920, et c’est la patine du temps qui, peu à peu, le dota du statut de classique. En matière d’irréalisme, le record du film est peut-être atteint par la peinture du village de 1830 où prend place l’intrigue, dans laquelle les maisons sont enchevêtrées les unes dans les autres sans la moindre logique architecturale. Les cellules de l’asile psychiatrique et le bureau du docteur Caligari, où se déroulent plusieurs scènes clefs du film, sont tout aussi mémorables. Immenses, déformés, ces décors torturés ramènent sans cesse les individus à de ridicules proportions. Le scénario du film s’avère tout aussi labyrinthique, truffé qu’il est de retournements de situations, et se structure autour de la question : qui est fou ?

Le docteur du titre, directeur d’un hôpital psychiatrique interprété par Werner Krauss, organise chaque soir un meurtre dont aucune preuve ne peut l’accuser. En effet, il n’est responsable qu’indirectement de chacun de ses crimes, puisqu’il convoque l’un de ses malades, un somnambule halluciné nommé Cesare auquel l’impressionnant Conrad Veidt prête ses traits. Caligari le laisse ainsi parcourir les toits obliques de la ville et commettre ses forfaits sanglants dans la nuit. Le somnambule revient ensuite à l’hôpital, personne ne pouvant soupçonner le docteur ou l’un de ses malades. Intrigué par cette étrange affaire, le jeune Franz décide de mener sa propre enquête. Suivant le docteur jusque dans un asile d’aliénés, il tombe sur un grimoire révélant qu’un criminel nommé Caligari sévissait déjà cent ans plus tôt. Ce récit alambiqué, conçu au lendemain de la première guerre mondiale et de la défaite allemande, est l’œuvre combinée de trois hommes à l’imagination fertile : Hans Janowitz, profondément marqué par l’assassinat nocturne d’une passante auquel il assista partiellement dans une ruelle de Hambourg, Carl Meyer, au passé de marchand forain, et Robert Wiene, dont le père finit ses jours dans un hôpital psychiatrique.

La torsion des décors et de l'intrigue

Visuellement, Le Cabinet du docteur Caligari joue sur les enchaînements entre scènes par des fermetures d’iris sur les visages des personnages, et met en image d’étonnantes idées visuelles comme Caligari, en train de basculer dans la folie, voyant son nom s’afficher et briller partout autour de lui. Les acteurs ont un jeu très outrancier, en accord avec les habitudes de l’époque, sauf Conrad Veidt qui, en somnambule livide, annonce le Nosferatu de Murnau (il dort dans une boîte qui ressemble fort à un cercueil) et le Monstre de Frankenstein qu’interprétera Boris Karloff onze ans plus tard. La torsion extrême des décors et de l’intrigue se justifient au moment du dénouement du film, révélant que toute l’histoire nous est racontée par un fou dans un hôpital psychiatrique. Cette idée scénaristique, fort surprenante, est due à Fritz Lang, qui était pressenti à l’origine pour réaliser le film, mais qui fut contraint de se désister pour œuvrer sur le serial Les Araignées.  


© Gilles Penso

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