Produite par Dario Argento et réalisée par Lamberto Bava, cette œuvrette horrifique fait surgir ses créatures démoniaques d'un écran de cinéma soudain hanté
DEMONI
1985 – ITALIE
Réalisé par Lamberto Bava
Avec Urbano Barberini, Natasha Hovey, Karl Zinny, Fiore Argento, Paola Cozzo, Fabiola Toledo, Nicoletta Elmi, Stelio Candelli
Un brin opportuniste, Démons a manifestement été fabriqué sur mesure pour séduire les adolescents amateurs de films d’horreur. Aux commandes de ce produit aux ingrédients savamment dosés, on retrouve Lamberto Bava, qui n’atteignit jamais le savoir-faire de son illustre père Mario (Le Masque du démon, Opération peur, Six femmes pour l’assassin, Les Trois visages de la peur) malgré un effort constant et répété dans le domaine de l’épouvante cinématographique et télévisuelle (Le Baiser macabre, La Maison de la terreur, Apocalypse dans l’océan rouge). Sur Démons, le poste de producteur est assuré par Dario Argento, dont le nom en tête d’affiche sert à la fois d’argument commercial et de légitimation du film aux yeux des fans du genre. On l’aura compris, Démons n’est pas prioritairement mû par ses ambitions artistiques et l’extrême simplicité de son scénario est au diapason de son titre laconique. Pourtant, l’implication de chacun est manifeste sur cette production familiale, Argento offrant même à sa fille Fiore l’un des rôles principaux.
Invitées par un homme mystérieux au visage partiellement métallique, façon Terminator, plusieurs dizaines de personnes se retrouvent au cinéma Metropol, afin d’assister à une séance dont ils ignorent tout. Lorsque le film commence, avec en exergue la citation de Goya « le sommeil de la raison engendre des monstres », nos spectateurs découvrent qu’ils ont affaire à un film d’horreur pas spécialement finaud. Un groupe de motards en mal de sensations fortes y explore une crypte ornée d’une inquiétante inscription déclamant : « ils feront des cimetières leurs cathédrales et les cités seront vos tombes. » Lorsqu’ils tombent nez à nez avec le tombeau de Nostradamus, les joyeux drilles découvrent non pas un corps putréfié mais un vieux grimoire et un masque grimaçant (via un double clin d’œil manifeste à Evil Dead et Le Masque du démon). Par jeu, l’un des jeunes écervelés essaie le masque et se coupe le visage, se muant aussitôt en abominable démon assoiffé de sang. Or il se trouve que dans la salle de cinéma, une jeune femme a elle aussi essayé le masque qui décorait l’entrée du Metropol. Elle subit bientôt la même hideuse métamorphose que le personnage du film, le mal s’insinuant des deux côtés de l’écran et le nombre de démons s’accroissant dangereusement.
Les maquillages dégoulinants de Sergio Stivaletti
Dès lors, Démons prend une tournure joyeusement horrifique, accumulant les transformations sanglantes (dont la plus mémorable est probablement le surgissement d’un démon déchirant l’échine de sa féminine victime) et les meurtres excessifs (égorgements à coups de griffes, calotte crânienne arrachée, énucléation très sanglante). Le maquilleur Sergio Stivaletti ne fait certes pas dans la dentelle, mais il faut bien reconnaître que ses effets dégoulinants à souhait font mouche, le tout aux accents d’une bande son énergisante concoctée en partie par les groupes de hard-rock les plus en vogue de l’époque. On peut regretter que le scénario ne tente guère d’employer avec plus de subtilité l’effet miroir et la mise en abyme, se contentant la plupart du temps d’utiliser la mécanique du film dans le film à la manière d’un simple gimmick. Mais le principe fonctionne et permet de varier à loisir les situations fantaisistes, avec au passage bon nombre de références au cinéma de genre (y compris au producteur Dario Argento, à travers le poster de Quatre mouches de velours gris qui trône dans le cinéma où se déroule le drame). Vers la fin, Démons collectionne quelques séquences un tantinet absurdes, comme l’affrontement des démons à moto ou la chute incongrue d’un hélicoptère dans la salle de cinéma, avant que le final ne nous laisse imaginer une propagation planétaire de la contamination. Une autre production de Dario Argento vient alors à l’esprit : le mythique Zombie de George Romero. Objet de culte quasi-immédiat au moment de sa sortie internationale en 1985, Démons fera l’objet de plusieurs clins d’œil ultérieurs (notamment dans le célèbre jeu « Silent Hill » qui met en scène le cinéma Metropol) et restera le meilleur souvenir de réalisateur de Lamberto Bava, ainsi qu’un de ses plus grands succès. Le film engendrera dès l’année suivante une séquelle concoctée par la même équipe.
© Gilles Penso
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